Jean-François Descaves, président de Financière de Champlain, société de gestion spécialisée dans les valeurs environnementales, le développement durable et la finance éthique, estime que la flambée des prix des matières premières agricoles n'est pas prête de s'arrêter là.
BourseReflex : Les matières premières agricoles ont connu une véritable flambée des prix sur les derniers mois. Cette hausse va-t-elle encore se poursuivre ?
Jean-François Descaves : Il y a de fortes chances pour que les prix poursuivent leur progression. Cela s’explique par 3 raisons structurelles. Tout d’abord, en 2010 nous avons connu des catastrophes naturelles importantes (intempéries, sécheresse…), ce qui a perturbé les cycles de production. D’autre part, il faut compter 80 millions de bouches à nourrir en plus chaque année. La demande en blé et en maïs ne risque pas de ralentir. Enfin, autre élément de maintien de la hausse des matières agricoles, le fait que les banques centrales injectent de l’argent pour soutenir l’économie. Cette masse de liquidités crée de l’inflation et entraine la flambée des actifs réels (matières agricoles, pétrole…). Ces facteurs de soutien devraient perdurer. En effet, on peut dire qu’il y a 80% de la hausse qui provient d’éléments fondamentaux et 20% d’éléments plus conjoncturels, comme les intempéries. Il n’est pas dit que l’année 2011 soit aussi catastrophique que l’année 2010.
BourseReflex : Toutes les matières premières agricoles ont-elles subi la même croissance des prix ?
Jean-François Descaves : De façon générale, la hausse des prix a été globale et homogène. C’est ce que révèle l’indice de référence, le CRB. Toutes les denrées ont été touchées. La seule exception pourrait être le maïs, qui a un peu plus été concerné par la flambée des prix car c’est une des rares céréales servant à la fois pour les hommes et pour les animaux.
BourseReflex : Quelle est la conséquence de cette hausse des prix des matières agricoles sur l’économie ?
Jean-François Descaves : L’impact est négatif mais relativement faible dans les pays développés. On ne peut évidemment pas en dire de même pour les pays sous-développés, qui pâtissent de cette situation. Tous les indicateurs vont dans le sens d’une poursuite de la hausse dans les années à venir. Cela vient de la spécialisation des marchés. En effet, la plupart des pays se sont spécialisés dans la production de quelques céréales. Par exemple, le Sénégal importe son riz de Thaïlande alors qu’ils ont les ressources pour le produire. Dans ce contexte, la moindre catastrophe naturelle (inondations en Australie, sécheresse et feux de forêts en Russie…) peut avoir des répercussions dramatiques sur les marchés et entrainer cette tension sur les prix.
BourseReflex : La spéculation sur ces matières est-elle intéressante ?
Jean-François Descaves : Chez Financière de Champlain, nous estimons qu’il est intéressant d’investir sur les actifs réels (comme les forêts, les champs de céréales,…). Nous pensons que ces actifs vont s’apprécier par rapport aux actifs irréels (actions…). Si l’économie repart sur les 5 prochaines années, ce dont je doute, la consommation redémarrera, ce qui aura un impact positif sur les matières agricoles. En revanche, si l’économie stagne, détenir des actifs réels agricoles sera un bon amortisseur face à la baisse des marchés. Par ailleurs, nous investissons sur des sociétés produisant des produits agricoles bio comme l’Allemande KTG Agraar, ou encore Wessanen, société néerlandaise de vente de produits bio.
Lucie Morlot.