Après un bras de fer d'un mois entre la CGT et le gouvernement, des coups de gueule syndicaux et patronaux, la grève qui perturbait fortement l'activité dans les ports a été suspendue jeudi avant des négociations que chacun espère décisives la semaine prochaine.
"L'ensemble des parties sont tombées d'accord pour engager des négociations du mardi 15 février au jeudi 17 février", a annoncé la très majoritaire fédération CGT des ports et docks, reçue la veille par l'Union des ports français (UPF), un organisme sous tutelle de l'Etat.
Une semaine auparavant, une réunion similaire avait échoué, prolongeant une grève mettant à mal l'activité portuaire et les entreprises utilisant ce mode de transport.
Le conflit est né de la volonté du gouvernement de revoir, après le vote de la réforme des retraites en novembre, un projet d'accord âprement négocié en octobre par les syndicats et le patronat sur la prise en compte de la pénibilité dans la manutention portuaire (entre 5.000 et 6.000 personnes).
Les syndicats avaient obtenu la possibilité de départs anticipés jusqu'à quatre ans avant l'âge légal pour certains métiers, mais le gouvernement, seul actionnaire des grands ports maritimes (GPM), ne veut pas aller au-delà de deux ans.
"Dès aujourd'hui et durant toute la phase des négociations, l'intégralité des actions engagées depuis le 3 janvier est suspendue", poursuit la CGT, tout en prévenant qu'en cas d'échec la grève pourrait reprendre dès le vendredi 18 février.
Vont se retrouver autour de la table l'UPF (regroupant les ports qui emploient grutiers et portiqueurs) et l'Unim (entreprises privées employant les dockers) côté patronal. Côté syndical, il y aura la CGT, FO et le CNTPA, un syndicat majoritaire à Dunkerque (Nord) et également présent à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique).
"Il faut que les négociations avancent", a commenté Olivier Debreu de la Coordination nationale des travailleurs portuaires et assimilés (CNTPA), qui a également dénoncé "la volte-face du gouvernement dans ce dossier" mais n'a appelé à la grève qu'un jour, le 20 janvier.
La suspension du mouvement, avec grutiers et portiqueurs qui alternaient les jours de grève avec les dockers du vendredi au lundi, est une bouffée d'air pour les entreprises.
De multiples voix s'étaient élevées ces derniers jours pour tirer la sonnette d'alarme.
"Ce sont les ports français qu'on assassine (...) en poussant les entreprises à aller vers d'autres ports étrangers", avait tonné mercredi le secrétaire d'Etat aux Transports Thierry Mariani devant les députés.
Peu avant, la préfecture de Gironde avait annoncé un dispositif d'urgence pour traiter le chômage partiel et les échéances fiscales et sociales des entreprises touchées par la grève.
La veille, l'Union des industries chimiques de Rhône-Alpes avait réclamé "un service minimum" dans les ports, en avançant plusieurs centaines de millions d'euros de pertes pour le secteur depuis le début de l'année.
Le président de la fédération portuaire du Havre - deuxième port après Marseille - avait lui déploré 40% de perte d'activité et appelé l'Etat "à trouver une solution".
Enfin, la filière de nutrition animale bretonne, regroupant fabricants, importateurs et manutentionnaires, avait estimé que le secteur était "au bout du bout" en raison de mouvement sociaux réguliers depuis octobre 2009.
Le ton est également monté cette semaine entre partenaires sociaux: la patronne du Medef Laurence Parisot a accusé la CGT de "meurtre économique", une déclaration qualifiée de "provocation odieuse" par Bernard Thibault, numéro un de la CGT, qui avait jugé le gouvernement "totalement responsable" de la situation.