Le laboratoire Servier, empêtré dans le scandale du Mediator, a commencé jeudi à desserrer les cordons de la Bourse et promis de verser un premier acompte de 20 millions d'euros au futur fonds d'indemnisation des victimes de ce médicament, aujourd'hui interdit.
Dans un communiqué, le numéro deux français de la pharmacie s'est dit "prêt à créer, dans l'intérêt des patients et en dehors de toute reconnaissance de responsabilité, un fonds d'indemnisation spécifique avec une première dotation de 20 millions d'euros".
Ce geste survient à la veille de la première apparition devant la justice, de Jacques Servier, son patron fondateur âgé de 88 ans et à la tête d'une des premières fortunes de France, convoqué vendredi au tribunal de Nanterre, où il a été cité par des patients traités au Mediator.
Il a été diversement accueilli par les associations de défense des victimes du médicament et une association de consommateurs, qui avaient réclamé le mois dernier la création d'un tel fonds d'indemnisation et demandé à ce que Servier y contribue, ce que le laboratoire s'était dit prêt à faire le 24 janvier.
"Servier fait un pas en avant concret, un premier pas et prend enfin la mesure de la dimension du drame du Mediator", a déclaré à l'AFP Alain Bazot, président de l'Union Fédérale des Consommateurs (UFC) - Que Choisir. "Il a la lucidité d'accepter une réelle implication financière", a-t-il estimé.
L'Association française des diabétiques (AFD) a déclaré de son côté "prendre acte" de cette annonce, "sous réserve de l'évaluation des préjudices". "Mais avec 20 millions, on est bien loin du compte et nous ne demandons pas l'aumône", a jugé son directeur de la communication, Jacques Le Disez.
Le laboratoire a réaffirmé jeudi qu'il "assumera ses responsabilités à l?égard des patients".
La facture risque d'être très lourde, car le Mediator (benfluorex), un médicament destiné aux diabétiques en surpoids, a aussi été prescrit par les médecins comme coupe-faim à des patients non-diabétiques qui voulaient maigrir.
Au total, cinq millions de personnes ont pris du Mediator entre 1976 et 2009, année de son interdiction, et entre 500 et 2.000 en seraient mortes selon des estimations. Le Mediator est en outre soupçonné d'avoir provoqué de graves lésions cardiaques à des milliers de personnes.
Le futur fonds d'indemnisation complétera les procédures existantes, afin que toutes les victimes soient couvertes, y compris celles qui ne rentrent pas "dans le cadre de la procédure d?indemnisation des accidents médicaux", a indiqué Servier.
Cet engagement fait suite à une rencontre du groupe pharmaceutique avec Claire Favre, une magistrate nommée par le gouvernement pour faire avancer le dossier de l'indemnisation des victimes du Mediator.
"Il y a eu un échange avec Mme Favre ce matin, avec des propositions qui ont été faites", a précisé un porte-parole du groupe.
Mme Favre doit désormais engager des consultations avec les autorités et des associations de patients avant de revenir vers Servier pour discuter des modalités de mise en place d'un fonds d'indemnisation, a-t-il indiqué.
"Le groupe est heureux d'avoir été associé à cette réflexion", a ajouté ce porte-parole, soulignant que cela n'avait pas été le cas pour la préparation d'un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), publié à la mi-janvier et qui fustigeait l'attitude de Servier dans l'affaire du Mediator.