Le Livret A a connu une des pires années de son histoire en 2010, marquée par une collecte en chute libre, victime d'une rémunération peu attractive et de la concurrence d'autres placements, mais 2011 pourrait se passer sous de meilleurs auspices.
En 2010, la collecte sur douze mois s'est élevée à 7,80 milliards d'euros, portant le stock total à 195,3 milliards d'euros, intérêts compris, a annoncé vendredi la Caisse des dépôts (CDC).
C'est deux fois moins qu'en 2009, où le chiffre avait atteint 16,55 milliards d'euros.
"La chute de la collecte est un trompe-l'oeil, parce qu'elle avait été très forte début 2009 en raison de la banalisation du produit avant de se tasser", observe Cyril Blesson, économiste chez Seeds Finance.
Le 1er janvier 2009 avait vu l'ouverture de la distribution du Livret A à toutes les banques, mettant fin à l'exclusivité de la Banque Postale, de Caisse d'épargne et du Crédit mutuel.
En 2010, les Français ont surtout été dissuadés par une rémunération très peu attractive, avec un taux d'intérêt à 1,25% au premier semestre.
Le passage à 1,75% en juillet a soutenu la tendance en été, où la collecte a été positive, avant une fin d'année plus difficile, sauf en décembre, où les dépôts ont été supérieurs aux retraits, de 1,33 milliard.
"La décollecte n'a pas été aussi massive qu'elle aurait pu l'être en raison de la rémunération. Le relèvement des taux à l'été a joué favorablement", a résumé M. Blesson.
Surtout, malgré sa défiscalisation, "le Livret A a moins rapporté que les contrats d'assurance vie en euros, qui ont fait au moins 3%", a remarqué Gilles Etienne, directeur associé de la société indépendante de conseil en gestion de patrimoine Cyrus Conseil.
L'assurance vie a connu en effet une année positive, puisqu'à la fin novembre, les cotisations nettes restaient en hausse de 2,8% à 50,1 milliards.
Au total, les sommes déposées sur des contrats d'assurance vie en France atteignaient 1.328 milliards d'euros, soit environ 7 fois plus que sur le Livret A.
Si le Livret A semble avoir mangé son pain noir en 2010, l'année "2011 démarre sous de bons augures", selon M. Blesson.
Le taux va passer à 2% à compter du 1er février, pour répondre à l'accélération de l'inflation.
Le calcul du taux de ce placement quasi bicentenaire, qui est revu automatiquement deux fois par an (le 1er février et le 1er août), se fonde sur l'inflation et les taux d'intérêt sur les marchés.
"Si on atteint de nouveau 3%, en cas de remontée des taux et de l'inflation, le Livret A va redevenir plus attractif", pour M. Etienne, même si les taux d'intérêt sont encore bas sur les marchés et la hausse des prix raisonnable.
L'incertitude sur la réforme de la fiscalité du patrimoine voulue par le gouvernement laisse également planer un doute sur la taxation des produits d'épargne, comme l'assurance vie, ce qui pourrait bénéficier en retour au Livret A.
"Pour les plus frileux, c'était des placements assez privilégiés. Mais, maintenant les Français ont moins peur, ils repartent vers des placements plus risqués", a estimé M. Etienne.
Enfin, 2011 s'ouvre sur fond de vifs débats quant au partage des sommes collectées à travers le Livret A et le LDD (livret de développement durable) entre les banques et la Caisse des dépôts.
Le gouvernement doit trancher sur la part devant revenir à la CDC pour financer le logement social, la ministre de l'Economie Christine Lagarde jugeant "légitime" le taux de 70%.
Or, les banques plaident pour un taux plus bas et pourraient être tentées d'orienter les placements sur d'autres produits, au moment même où des contraintes réglementaires plus fortes les font rechercher davantage de dépôts.