Le Kremlin a admis mercredi que la nouvelle condamnation de l'ex-magnat du pétrole Mikhaïl Khodorkovski risquait de porter un coup dur au climat d'investissement en Russie, à une semaine de l'ouverture à Davos d'un forum réunissant le gratin mondial des affaires.
Dans une interview en ligne publiée sur le site Gazeta.ru, le conseiller économique du président russe Dmitri Medvedev, Arkadi Dvorkovitch, a admis que le jugement prononcé fin décembre allait sans doute effrayer les investisseurs étrangers.
"Je pense qu'une partie importante de la communauté internationale va se poser de sérieuses questions et que les craintes sur les risques de travailler en Russie vont augmenter", a-t-il déclaré.
M. Khodorkovski et son principal associé Platon Lebedev, détenus depuis 2003 et condamnés en 2005 à huit ans de prison pour escroquerie et évasion fiscale, ont vu fin décembre leur emprisonnement prolongé jusqu'en 2017, à l'issue d'un deuxième procès suivi de près par la communauté internationale.
"On va poser ces questions à tous les membres de la délégation russe (à Davos), et on verra quel est le sentiment des investisseurs", a ajouté M. Dvorkovitch, alors que M. Medvedev doit prononcer un discours à l'ouverture du forum économique.
Des propos qui détonnent par rapport au ton habituel de la communication du pouvoir russe sur un dossier ultra-sensible, sur lequel s'est exprimé durement, à plusieurs reprises, le Premier ministre et ex-président Vladimir Poutine.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait d'ailleurs souligné la semaine dernière que Moscou misait sur l'indifférence des milieux d'affaires occidentaux à l'affaire Khodorkovski.
"Nous partons du principe que les milieux d'affaires vont s'occuper de leurs affaires et s'intéresseront aux conditions réelles qui leur sont offertes en Russie", avait-il déclaré, soulignant que ceux-ci ne boudaient guère la Chine malgré les "questions bien connues" à l'égard de ce pays.
De nombreux observateurs considèrent le deuxième procès comme la suite d'un règlement de comptes politique à l'égard un homme d'affaires trop indépendant, qui avait tenu tête à M. Poutine, en récupérant au passage les actifs de son groupe pétrolier.
Le jugement a été critiqué par de nombreuses capitales occidentales, notamment Washington, qui ont estimé qu'il portait atteinte aux principes de l'Etat de droit et à l'ambition affichée de modernisation de la Russie.
M. Dvorkovitch a toutefois insisté sur le fait que la décision du tribunal n'était pas irréversible. "Les procédures ne sont pas toutes épuisées, il va y avoir un appel, ça va être examiné dans d'autres instances", a-t-il dit.
Des propos, venant du pouvoir à la veille du forum de Davos, qualifiés d'"hypocrisie" par Vadim Kliouvgant, l'un des avocats de l'ex-oligarque.
"Toutes les promesses que ce n'est pas la fin, que l'ère de la justice s'ouvrira peut-être dans les instances suivantes ou ailleurs encore, tout ça c'est de l'hypocrisie", a réagi l'avocat, cité par l'agence Interfax.
La polémique autour de M. Khodorkovski et son entreprise défunte, Ioukos, a été ravivée ces derniers jours avec la signature vendredi d'un accord entre le géant britannique BP et le groupe public russe Rosneft pour exploiter des gisements d'hydrocarbures dans l'Arctique.
Rosneft, aujourd'hui producteur pétrolier numéro un en Russie, s'est en effet hissé à cette position en reprenant des actifs de Ioukos, alors en liquidation judiciaire, lors d'enchères controversées organisées par l'Etat.
M. Dvorkovitch a vanté au contraire cet accord, qui prévoit notamment un échange croisé de participations au terme duquel Rosneft détiendra 5% du capital de BP, et BP 9,5% de celui de Rosneft.