Les 5.500 salariés de l'usine historique Mirafiori de Fiat à Turin (nord) se prononcent jeudi et vendredi sur un accord clé pour la survie du site, qui divise l'Italie et illustre la volonté du plus grand groupe du pays de réformer en profondeur les conditions de travail.
Le vote débutera jeudi à 22H00 (21H00 GMT) et doit s'achever vendredi vers 17H00 (16H00 GMT).
Les salariés devront dire oui ou non à l'accord sur la nouvelle organisation du travail, signé le 23 décembre par Fiat et la majorité des syndicats, mais rejeté par la Fiom, branche métallurgie de la CGIL, le premier syndicat du pays, qui dénonce un "chantage" et a appelé à une grève le 28 janvier.
Si le oui l'emporte, Fiat s'est engagé à investir plus d'un milliard d'euros avec son partenaire américain Chrysler pour produire à Mirafiori jusqu'à 280.000 Jeep et Alfa Romeo par an.
En cas de victoire du non, l'investissement ne se fera pas et faute de nouveaux modèles, l'usine ira vers une fermeture assurée, comme celle de Termini Imerese en Sicile qui doit fermer fin 2011.
Jugeant cet accord "positif" car il permettra "plus de flexibilité", le chef du gouvernement Silvio Berlusconi a souligné depuis Berlin que les entreprises "auraient de bonnes raisons d'aller dans d'autres pays" en cas de rejet des salariés.
Cet accord a pour modèle celui signé en juin pour l'usine de Pomigliano, près de Naples (sud).
Il prévoit la mise en place d'un contrat spécifique pour les salariés de Mirafiori, qui devront être réembauchés par une coentreprise Fiat-Chrysler et ne dépendront donc plus de la convention collective de la métallurgie, ce qui est un véritable tournant.
Fiat pourra faire tourner l'usine 24 heures sur 24 et jusqu'à six jours par semaine en cas de forte demande. Les pauses seront réduites et le nombre maximum d'heures supplémentaires triplé à 120 par an.
Des sanctions sont en outre prévues en cas d'absentéisme "anormal" et si les syndicats signataires font grève contre l'accord. Point très controversé, la Fiom n'aura plus de délégués car elle a refusé de signer.
Mais les salaires augmenteront grâce au travail de nuit et aux heures supplémentaires, font valoir les syndicats signataires.
Soutenu par le gouvernement et le patronat, cet accord divise l'Italie et en particulier la gauche. Signe de la tension, trois étoiles rouges, symbole des Brigades rouges, ont été taguées sur des affiches à Turin avec les inscriptions "Marchionne, va te faire f..." ou "Nous ne devons pas devenir des Chinois".
M. Marchionne, qui veut faire de l'alliance Fiat-Chrysler un géant mondial de l'automobile, est décidé à réformer en profondeur les accords sociaux en Italie qui sont trop rigides et minent la productivité, selon lui.
Il en a fait une condition sine qua non à l'investissement de 20 milliards d'euros d'ici 2014 dans le pays pour y doubler la production.
La numéro un de la CGIL, Susanna Camusso, a dénoncé mardi les "insultes" à l'égard du pays de M. Marchionne, qui a répliqué qu'il ne fallait "pas confondre le changement avec les insultes".
Pour Pietro Ichino, expert en droit du travail et sénateur du Parti Démocrate (gauche), cet accord est une "nouveauté absolue" car "il entraîne un déplacement drastique du centre de gravité de la négociation collective vers l'entreprise".
Mais alors que la Fiom qualifie l'accord d'"attaque sans précédent contre la démocratie", M. Ichino juge nécessaire une "loi permettant à la majorité syndicale de négocier et à la minorité de refuser le contrat, sans être exclue pour autant de la représentation".