Renault était secoué mercredi par la mise à pied de trois de ses cadres de haut niveau, une mesure exceptionnelle liée à des soupçons de diffusion d'informations touchant à son programme phare de véhicules électriques.
L'affaire couve depuis plusieurs mois et touche au plus haut niveau de l'encadrement du constructeur.
Renault se refuse pour l'instant à livrer le moindre détail précis. Une porte-parole a parlé à l'AFP de "faits graves". Elle a précisé mercredi soir que le PDG du groupe, Carlos Ghosn, en "a été informé", tout comme son numéro deux, Patrick Pelata. Mais elle a jugé prématuré de les qualifier plus avant, ajoutant qu'aucune plainte n'avait été déposée dans cette affaire.
La veille, la même porte-parole avait expliqué qu'un comité ad hoc, chargé depuis 2007 de "s'assurer que le code de déontologie dont s'est doté Renault est bien respecté", avait été alerté en interne "fin août 2010".
"L'investigation qui a suivi a conduit à une mise à pied conservatoire de trois cadres", avait-elle indiqué.
Selon des sources proches du dossier, les personnes mises en cause pilotent des programmes concernant les avant-projets de Renault et le véhicule électrique. L'une d'elles fait partie du comité de direction du groupe, qui compte trente directeurs et est chapeauté par le patron du groupe, Carlos Ghosn, ont indiqué plusieurs de ces sources à l'AFP.
Les suspensions sont intervenues lundi et les cadres visés ont été sommés de quitter leurs bureaux immédiatement, ont rapporté d'autres sources.
Ils sont soupçonnés d'avoir diffusé à l'extérieur des informations mettant en cause l'intérêt de l'entreprise et qui toucheraient au véhicule électrique, selon ces sources.
D'où leur mise à pied conservatoire, une mesure qui permet à une entreprise d'écarter un salarié dont le comportement peut porter atteinte à sa bonne marche et qui est prise dans l'attente d'une éventuelle sanction disciplinaire. Durant cette période, le contrat de travail est suspendu et le salarié n'est pas payé.
L'enjeu est énorme pour le constructeur français, allié du japonais Nissan, qui a placé la voiture électrique au coeur de sa stratégie pour les années à venir. Renault doit commercialiser en milieu d'année deux modèles en version électrique, la berline familiale Fluence et l'utilitaire Kangoo Express.
La gamme électrique du constructeur comptera également deux autres modèles: le petit véhicule Twizy et la petite berline Zoe, qui doivent être commercialisés au deuxième semestre de cette année et mi-2012.
Renault considère que le véhicule électrique représentera 10% du marché automobile en 2020 et l'alliance Renault-Nissan investit chaque année 200 millions d'euros dans ce domaine.
Le constructeur français avait déjà été touché par des fuites en 2007. Renault avait alors porté plainte pour "espionnage industriel" après la publication dans le magazine Auto Plus de photos et dessins des Renault Mégane 3 et Twingo CC.
D'autres entreprises françaises du secteur ont aussi été frappées par des affaires comparables, comme Michelin, dont un ancien cadre, accusé d'avoir voulu vendre des informations confidentielles à une concurrent, a été condamné en juin dernier pour abus de confiance.
En 2007, une stagiaire chinoise de l'équipementier Valeo, poursuivie pour s'être emparée de fichiers informatiques confidentiels, avait été jugée coupable d'abus de confiance.
Récemment, le gouvernement français a mis sur un pied un groupe de travail qui pourrait proposer la création d'une incrimination pénale d'atteinte au secret des affaires pour mieux défendre les entreprises.