Les opérateurs téléphoniques SFR et Bouygues Telecom vont investir ensemble dans le déploiement de la fibre optique --qui achemine l'internet à très haut débit-- dans les grandes villes françaises, un chantier gigantesque qui accuse beaucoup de retards.
Les deux fournisseurs d'accès à internet (FAI) vont "partager leurs investissements et mutualiser les réseaux" sous les trottoirs, depuis les "noeuds de raccordement optique", d'où partent les lignes, jusqu'aux pieds des immeubles, selon un communiqué commun.
L'accord permet aussi à Bouygues Telecom de proposer ses offres dans les zones déjà équipées par SFR, qui a investi 450 millions d'euros depuis trois ans pour déployer la fibre optique, qui permet des débits bien plus rapides que ceux de l'internet ADSL.
"C'est la première fois que sur une nouvelle technologie, les opérateurs décident de mutualiser les investissements, ça n'a jamais eu lieu dans le mobile ou dans l'ADSL par exemple", note Stéphane Dubreuil, directeur télécoms du cabinet SIA Conseil.
Selon un étude du cabinet de conseil en stratégie télécoms Tactis, apporter de la fibre à chaque habitation et chaque entreprise en France coûterait 30 milliards d'euros."C'est un investissement colossal, et on voit que les opérateurs ont du mal à y aller seul", souligne M. Dubreuil.
"C'est très bien que les opérateurs codéploient", se félicite par ailleurs le dirigeant de Tactis, Stéphane Lelux, qui préside le groupe de travail sur le très haut débit au sein de l'association Renaissance numérique.
"Ca ne fera que renforcer la probabilité de voir la fibre arriver chez l'abonné, en partageant le coût de revient du réseau, ce qui va donc accélérer sa rentabilité", selon lui.
"Notre pays a pris du retard, les pays scandinaves et baltes ont aujourd'hui un taux de raccordement 10 voire 20 fois plus élevé que celui de la France", où la fibre a pénétré seulement 0,5% des foyers, rappelle M. Lelux.
Renaissance numérique appelle régulièrement les fournisseurs d'accès à internet et les autorités à plus d'ardeur dans la construction d'un réseau de fibre optique à l'échelle du territoire, des travaux qui pourraient créer "des centaines de milliers d'emplois", selon M. Lelux.
Car pour l'association, il en va de la compétitivité de la France alors que les services de l'avenir, comme la e-santé, la téléconférence, les jeux en réseaux ou les sauvegardes informatiques des entreprises, demanderont des débits toujours plus élevés.
"Si on veut que le Google de demain ou le Facebook d'après-demain soient en partie français, il est important (...) de maintenir une avance technologique sur les infrastructures", plaide-t-il.
Opérateur historique disposant d'une puissance de feu financière plus importante que les autres FAI, France Télécom/Orange a lui promis d'investir deux milliards d'euros dans la fibre d'ici 2015.
Mais comme pour les autres opérateurs, ces promesses portent en grande partie sur les zones les plus denses, où les retours sur investissement se font au bout de cinq à huit ans, selon M. Lelux.
Cela ne concerne donc guère que 4 millions de foyers contre plus de 20 millions situés dans les zones moins voire peu denses, regrette-t-il.
Le gouvernement a lui prévu 2 milliards d?euros de subventions du Grand emprunt pour le déploiement de l'internet à très haut débit dans ces zones moins peuplées, espérant inciter par là collectivités locales et opérateurs privés à monter des projets conjoints.