Marc Touati, responsable de la recherche économique d’Assya Compagnie Financière, estime que l'euro devrait être plus bas pour permettre de relancer la croissance. Une action commune des dirigeants européens est indispensable pour imposer un euro plus faible.
Boursereflex : Les marchés ont augmenté de 3% depuis début décembre après de fortes corrections. Sommes-nous aujourd’hui sur un trend haussier ?
Marc Touati : Le CAC évolue dans un intervalle assez large de 3500 à 4000 points, au gré des annonces. Mais la tendance reste et doit rester haussière. En effet, la croissance mondiale s’inscrit autour de 4%, la politique monétaire est toujours très accommodante,... Il n’y a donc pas d’inquiétude au niveau boursier. Les marchés ont besoin de souffle et prennent leurs bénéfices, comme ce fut le cas lors de la crise irlandaise. Je pense que le CAC devrait arriver à 4500 points en 2011. Tous les marchés sont dans une bulle, sauf le marché boursier. Cela veut dire qu’il y a encore un potentiel de rendement avec également des dividendes à percevoir.
Boursereflex : Le marché obligataire offre désormais un rendement moins attractif que celui du marché actions. Quelles sont vos perspectives sur l’obligataire ?
Marc Touati : Le marché obligataire est devenu extrêmement dangereux car les taux d’intérêt sont relativement bas alors que les dettes publiques sont énormes. Il y a un danger sur les taux longs aujourd’hui. Il faut être très prudent sur le marché obligataire souverain, car le rendement est faible et le risque très élevé.
Boursereflex : Cela signifie t-il la fin de la défiance des investisseurs vis-à-vis des marchés actions ?
Marc Touati : La crise est puissante et le traumatisme profond. Je ne pense pas qu’il n’y ait plus de défiance des investisseurs. Ceux-ci restent encore très prudents. On n’a pas encore retrouvé l’optimisme habituel sur les marchés boursiers malgré le canal haussier que nous constatons. L’optimisme des investisseurs devrait revenir lorsque le taux de chômage américain commencera à baisser fortement, à savoir vers printemps-été 2011.
Boursereflex : Quelles sont vos perspectives concernant la parité euro/dollar ?
Marc Touati : L’euro devrait osciller encore quelque temps aux alentours de 1.30 dollar. L’avenir de l’euro est d’être beaucoup plus bas. Je table sur une parité de 1.20 dollar pour un euro d’ici l’été 2011, peut-être même avant. Hormis l’Allemagne, la zone euro a besoin d’un euro faible. En effet, dès que l’euro s’apprécie de 10%, la zone euro perd 0,4 point de croissance. Le problème est que la BCE se focalise sur l’inflation alors qu’elle devrait plutôt faire comme la Fed et se concentrer sur la croissance. Le fait de maintenir des taux d’intérêt à 1% dans la zone euro sur le taux monétaire contre 0% aux Etats-Unis, cela génère un arbitrage en faveur de l’euro. Ce phénomène de carry-trade fait donc croître l’euro superficiellement.
Boursereflex : Quelle peut être le rôle des politiques dans ce contexte ?
Marc Touati : Il faudrait que la BCE baisse ses taux d’intérêt. Les dirigeants européens ont aussi un rôle à jouer. Ils devraient monter au créneau et faire une déclaration commune dans le but d’avoir un euro plus bas. Mais cela n’est possible que si l’Allemagne change de position, ce qui ne semble pas être le cas actuellement. Il y a un manque de pragmatisme des dirigeants européens.
Boursereflex : Vous êtes souvent très critique à l’égard des politiques. Que conseilleriez-vous à François Fillon pour sortir de la crise ?
Marc Touati : On ne peut plus faire de la politique aujourd’hui comme on faisait dans les années 80. La dette publique représente 85% du PIB. Chaque année, la croissance économique est insuffisante pour simplement rembourser les intérêts de la dette. Il faut savoir que les dépenses de fonctionnement on augmenté de 87 milliards d’euros depuis 2002, dont 14 milliards juste en 2009. François Fillon va-t-il enfin avoir le courage de faire ce qu’il n’a pas fait durant les 2 premières années ? Je suis plutôt sceptique. Cela dit avec une autre équipe, ça pourrait aussi être pire. La solution est simple, il suffit de baisser la pression fiscale en France pour tous (les entreprises et les ménages) pour relancer la croissance. Parallèlement il faut aussi réduire les dépenses publiques et les dépenses de fonctionnement. Tout cela nécessite d’avoir un certain courage politique.
Propos recueillis par Lucie Morlot.