Faisant volte-face, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a déclaré qu'il ne prendra pas de décision avant la fin de son mandat le 1er janvier sur l'achat par le Brésil de 36 avions de chasse, dont le Rafale français était le grand favori, laissant cette difficile décision à son successeur Dilma Rousseff.
Ce nouveau rebondissement dans une longue saga signifie "la mort" du projet de modernisation de l'armée de l'air brésilienne, selon des experts interrogés par l'AFP.
La décision intervient dans un contexte de coupes budgétaires annoncées lundi par le gouvernement et qui toucheront tous les secteurs, y compris la Défense, à l'exception des programmes sociaux.
La décision sur l'achat d'avions de combat multirôles est "un héritage très lourd, un héritage à long terme pour le Brésil. Je pourrais signer et faire un accord avec la France, mais je ne le ferai pas", a dit Lula dans une interview à TV Brasil dont l'agence officielle a publié un extrait.
Lula avait affirmé jusqu'à présent qu'il prendrait la décision avant de transmettre le pouvoir à son successeur Dilma Rousseff le 1er janvier.
L'avion Rafale du constructeur français Dassault, encore jamais vendu à l'étranger, est en lice avec le F/A-18 Super Hornet de l'américain Boeing et le Gripen NG du suédois Saab pour fournir 36 avions de chasse au Brésil, un marché estimé entre 4 et 7 milliards de dollars.
Jusqu'à présent, Lula avait toujours déclaré qu'il prendrait la décision avant de quitter la présidence, après avoir consulté Dilma Rousseff.
Celle-ci s'est entretenue pendant plus de deux heures lundi avec le ministre de la Défense Nelson Jobim qui devait aussi se réunir mardi avec les chefs d'état-major des trois armes.
Le Rafale, en dépit de son prix plus élevé, était le favori en raison du transfert de technologie "sans restrictions" promis par le président français Nicolas Sarkozy.
Lula a toujours insisté sur le caractère politique de la décision, soulignant que le Brésil ne voulait pas seulement acheter un avion mais aussi une technologie pour lui permettre de construire son propre appareil et de pouvoir le vendre à ses voisins latino-américains.
Les présidents brésilien et français avaient annoncé en septembre 2009 que le Brésil avait décidé de mener des négociations exclusives avec Dassault mais le gouvernement brésilien avait ensuite reculé et annoncé que la compétition était encore ouverte.
Pour l'expert Nelson During, directeur du site spécialisé DefesaNet, cette décision "était attendue". "Mon impression est que le projet FX2 (d'achat d'avions de chasse) est mort et enterré", a-t-il dit à l'AFP.
Il a rappelé que Lula avait déjà annulé en arrivant au pouvoir en 2003 le précédent programme d'achat d'avions de chasse lancé par son prédédesseur Fernando Henrique Cardoso pour consacrer son coût à des dépenses sociales.
Selon lui, "Dilma devra revoir le projet à la lumière des priorités de son gouvernement".
Un autre expert Marcelo Rech, du site spécialisé en défense et relations internationales InfoRel, a souligné que Dilma Rousseff, dans son discours de victoire en novembre, avait fait de "la lutte contre la faim et la misère la priorité absolue de son gouvernement".
"Pour moi, cela fut le signal clair que le projet FX2 avait cessé d'être une priorité", a-t-il dit à l'AFP.
Selon cet expert, le gouvernement et l'armée de l'air ont "failli" parce qu'ils ne sont jamais parvenus à surmonter leurs divisions internes et à atteindre un consensus.
Les deux experts concordent également sur le fait que Dilma Rousseff tentera de "se rapprocher des Etats-Unis", ce qui pourrait donner une nouvelle chance à Boeing.