
L'avarie moteur sur un Airbus A380 de la compagnie Qantas, contraint d'atterrir d'urgence à Singapour jeudi, est un coup dur pour l'avionneur européen, qui voit l'image de son icône écornée au moment où il espère vendre une centaine d'avions -autres que le super jumbo- à la Chine.
Cet incident est le premier d'une telle gravité depuis la mise en service en 2007 de l'A380, le plus gros avion du monde, capable de transporter plus de 500 passagers.
Il a fait chuter brutalement, à Paris et à Londres, les cours de Bourse d'EADS, la maison mère d'Airbus, et du motoriste britannique Rolls-Royce.
L'appareil du transporteur australien Qantas a rencontré des problèmes six minutes après avoir décollé de Singapour pour Sydney, alors qu'il survolait l'île de Batam (Indonésie).
Selon les premiers éléments recueillis par l'AFP, un des quatre moteurs Rolls-Royce de l'avion a connu une explosion, qui a entraîné le détachement de la partie arrière du moteur. Conformément aux procédures d'urgence, le pilote a décidé de faire demi-tour.
"Pour nous pilotes, l'arrêt d'un moteur n'est pas un événement exceptionnel même si cela n'arrive pas tous les matins. Ce qui fait l'événement, c'est le fait que cela arrive sur un A380 pour la première fois", résume Eric Bernard, commandant de bord de la compagnie française Air France.
Il souligne qu'un avion reste "tout à fait intègre" et peut parfaitement continuer à voler avec un moteur en moins.

"C'est clairement une problématique d'image car Qantas a cloué au sol sa flotte d'A380. Et la sanction a été immédiate car pour le marché, cela signifie des surcoûts pour la remise en service de ces avions", dont les débuts avaient été émaillés d'incidents plus mineurs, explique de son côté un analyste sous couvert d'anonymat.
Il juge néanmoins la réaction "exagérée", dans le cas d'Airbus. Car, dit-il, "cet incident concerne davantage le motoriste Rolls-Royce que le constructeur".
Un autre analyste estime que "la fiabilité du constructeur n'est pas remise en cause. Rolls-Royce devra en revanche s'expliquer". "C'est le troisième incident en quatre mois, cela commence à faire beaucoup", dit-il.
Qantas, l'une des cinq compagnies à faire voler des A380, a immédiatement annoncé l'immobilisation au sol des six exemplaires qu'elle possède. Les autres -Emirates, Singapore Airlines, Lufthansa et Air France- vont en revanche continuer à faire voler normalement leurs appareils.
"En ce qui concerne Air France et Emirates, leurs A380 sont équipés de moteurs de l'autre motoriste, le franco-américain Engine Alliance (Pratt & Wittney, General Electric et Safran), ce qui tend à montrer que l'incident survenu ce matin est plus du ressort du motoriste", relève le premier analyste.
Dans l'après-midi, Rolls-Royce a recommandé dans un communiqué des examens sur l'ensemble des moteurs Trent 900, qui équipe certains A380.
Cet incident intervient au moment où le président chinois Hu Jintao devrait annoncer des contrats pour Airbus de plusieurs milliards de dollars.
L'avionneur escompte obtenir des commandes d'une centaine d'appareils, essentiellement des moyen-courriers A320 mais aussi des long-courriers A330 et peut-être des A350. La compagnie chinoise China Southern Airlines a d'ores et déjà indiqué qu'elle allait acheter 36 avions (30 A320 et 6 A330) pour 3,78 milliards de dollars.
"Cet incident ne devrait rien changer à la signature de contrats que nous espérons nouer avec la Chine", a indiqué une source proche du constructeur. "C'est un incident Rolls-Royce, l'avion a très bien atterri".
Airbus souligne enfin que le calendrier de livraison des A380, dont un exemplaire destiné à Qantas d'ici la fin de l'année, reste lui aussi inchangé.