
Dépassés par les technologies ultra-rapides de spécialistes du marché, les investisseurs individuels hésitent à placer leur confiance --et leurs économies-- à Wall Street.
L'été, déjà propice à des volumes d'échanges limités, s'est distingué par un nombre de transactions particulièrement bas à la Bourse de New York.
"La tendance est troublante", s'est alarmée début septembre la présidente de l'autorité régulatrice des places boursières, la SEC, Mary Schapiro. "Surtout si les inquiétudes des investisseurs individuels au sujet de la structure du marché des actions jouent un rôle, même modeste, dans leur prise de décision".
Michael McCaslin, 65 ans, de Greenville au Texas (sud), est un jeune retraité qui gère lui-même 10% de son fonds de retraite.
"Ces quatre dernières années, j'ai pris un sacré coup sur le marché. A un certain moment, (mon portefeuille) s'est retrouvé en baisse de 40%. Je me suis accroché, aujourd'hui il ne perd plus que 10%", confie M. McCaslin à l'AFP.
Sonné, l'investisseur individuel n'a donc pas fait de retour en fanfare sur les places boursières, malgré le redémarrage de l'économie.
"On observe habituellement de plus fortes liquidités dans les fonds communs de placement à ce stade du cycle boursier", constate Brian Reid, économiste en chef à l'Investment Company Institute, l'association américaine des sociétés d'investissement.
Un constat d'autant plus étonnant, selon M. Reid, que le taux d'épargne des ménages américains tournait en janvier autour de 6%, soit trois fois plus qu'au moment du pic historique des marchés boursiers américains, en octobre 2007.
Ce ne sont pas seulement les changements d'humeur rapides du marché et son pénible redressement qui ont refroidi les ménages: les nouvelles technologies ont des effets imprévus sur les échanges, comme l'a montré le "krach éclair" du 6 juin dernier à la Bourse de New York.
Ce jour-là, dans un marché à peine remis d'une année de récession économique, le Dow Jones, vénérable indice de Wall Street, a subitement chuté de près de 1.000 points, soit 10%, en quelques minutes.
"Pour un individu, perdre 10% de sa retraite en une journée, c'est tout simplement stupéfiant. Stupéfiant", s'exclame Marc Pado, stratège boursier chez Cantor Fitzgerald.
Le krach éclair a mis sous le feu des projecteurs un phénomène qui se développait depuis plusieurs années: l'automatisation des marchés, qui fait la part belle aux super-ordinateurs et aux transactions ultra-rapides grâce à des algorithmes complexes complètement inaccessibles aux simples citoyens.
"C'est sûr que cela effraie certains investisseurs, parce qu'ils ne savent pas vraiment ce qui se passe", note Charles Rotblut, vice-président de l'Association américaine des investisseurs individuels (AAII), qui compte 150.000 membres.
Selon la SEC, les transactions à haute fréquence, réalisées en fractions de seconde, représentent actuellement plus de la moitié des transactions quotidiennes sur les plateformes boursières américaines.
"Les particuliers qui ne sont ni des professionnels ni des investisseurs achetant et conservant les titres, ceux (...) qui jouent sur les mouvements à court terme, ceux-là se sont fait assassiner", observe Mace Blicksilver, de Marblehead Asset Management.
"Je ne peux pas rivaliser. Comment le pourrais-je, face à un ordinateur qui peut placer 200, 300 ordres à la seconde ?", s'interroge Troy Haninnen, qui gère son propre argent et celui d'un petit groupe d'investisseurs depuis Missoula, dans le Montana (Nord).
"Ce que je dois faire, c'est moins d'échanges en séance, adopter des stratégies à plus long terme et me couvrir plus", explique M. Hanninen.