La réforme bancaire décidée dimanche n'est pas du goût des banques, qui dramatisent ses conséquences sur l'économie, tandis que les experts sont divisés sur sa capacité à éviter une réédition de la crise financière déclenchée il y a deux ans par la faillite de Lehman Brothers.
Les régulateurs, réunis dimanche au sein du Comité de Bâle, ont décidé que les banques devraient justifier d'un capital représentant non plus 2%, mais 7% de leurs crédits. Pour attribuer un prêt de 100 euros, elles devront ainsi bloquer dans leurs comptes 7 euros de fonds propres "durs" (capital social et bénéfices), contre 2 auparavant.
La réglementation "constitue une contrainte forte qui pèsera inévitablement sur le financement de l?économie et notamment le volume et le coût du crédit", a prévenu la Fédération bancaire française.
Elle rappelle que c'est d'autant plus dommageable pour l'économie européenne que 80% de son financement est assuré par les banques, quand l?économie américaine repose essentiellement sur le marché.
Le président de BNP Paribas, Michel Pébereau, avait invité la semaine dernière le Comité de Bâle à "raison garder" afin de ne pas étouffer la reprise dans l'oeuf, et chiffré à 150 milliards d'euros le montant que les banques françaises devraient lever si le ratio était porté à 10%.
"Ces mesures vont obliger les banques à thésauriser davantage, et je crains que cela limite l'accès au crédit des PME, alors que l'on commence à sortir de la crise", s'est inquiété de son côté Jean-François Roubaud, président de la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises).
Les régulateurs ont toutefois été moins durs qu'attendu, et ont laissé aux banques le temps pour se mettre en règle, jusqu'en 2019.
Pour la ministre de l'Economie Christine Lagarde, la mise en oeuvre progressive des mesures permettra de "préserver la capacité des banques à prêter à l'économie et de ne pas compromettre la reprise économique".
Les régulateurs ont fait preuve de souplesse, souligne Adrian Pop, maître de conférences à l'université de Nantes, en modulant leurs exigences en fonction de la conjoncture: en période de récession, les banques pourront afficher un ratio de 4,5% mais devront se plier à la norme de 7% en période d'expansion.
Pour Gunther Capelle-Blancard, professeur à Paris I, l'argument avancé par les banques, de toute manière "défavorables à toute réglementation", est "fallacieux". Elles ne prennent en considération que le coût supposé de la réforme, pas son bénéfice, alors que "plusieurs études montrent que le renforcement des fonds propres est l'une des mesures essentielles pour réduire la fréquence et l'ampleur des crises".
Autre effet attendu par cette nouvelle réglementation, selon lui: une réduction des primes versées dans le secteur de la finance, tenues pour avoir joué un rôle important dans le déclenchement de la crise.
Mais pour le consultant Eric Delannoy du cabinet Weave, cette réforme "molle" vise avant tout à "donner des gages aux marchés" en montrant que les régulateurs ont "repris les choses en main". Elle reporte à plus tard le problème de la liquidité (capacité des banques à se financer), qui est à l'origine de la crise financière.