Avec son lancement dans le crédit aux entreprises dès 2011, annoncé jeudi, la Banque Postale va devenir un concurrent à part entière pour les grandes banques françaises en étant présente sur tous les métiers de la banque de détail, cinq ans après sa création.
Après deux années à ne distribuer que du crédit immobilier et des produits d'épargne, l'établissement public a fait sa mue en accéléré depuis fin 2007.
Crédit à la consommation, assurance dommage, l'Etat a progressivement desserré la bride à la Banque Postale, avant de l'autoriser, début août à préparer son arrivée sur le marché du financement des entreprises.
Le président du directoire Patrick Werner a ainsi annoncé jeudi que l'établissement au réseau tentaculaire offrirait dès 2011 des crédits aux entreprises de toutes tailles.
Ce dernier développement doit beaucoup au président Nicolas Sarkozy qui, lors d'un discours prononcé début février, avait brandi la menace d'une arrivée de la Banque Postale sur le marché des entreprises pour bousculer les grandes banques privées de la place, accusée de traîner les pieds pour financer l'économie.
Des propositions avaient été demandées dans la foulée au président du groupe La Poste, Jean-Paul Bailly, lesquelles ont débouché sur le feu vert de Bercy.
La Banque Postale débarque sur un marché très concurrentiel de plus de 500 milliards d'euros, où le Crédit Agricole, le Crédit Mutuel, la Société Générale et la Banque Populaire sont les mieux placés.
"Nous ne partons pas de zéro", a tempéré M. Werner, rappelant que la banque compte déjà notamment plus de 17.000 pme clientes, à qui elle offre divers services mais pas de crédit.
Bien qu'entrant sur le marché du financement des entreprises, la Banque Postale en restera à des prestations de banque de détail (prêts, crédit-bail, affacturage, mobilisation de créances), sans s'aventurer sur le terrain de la banque de financement et d'investissement (financements structurés, émissions obligataires notamment), a précisé M. Werner.
C'est peut-être cette limite qui pourrait la pénaliser auprès de la clientèle des grandes entreprises, dont les besoins sont souvent complexes et passent régulièrement par les marchés.
"Pour nous, tout ce qui permet de diversifier l'offre de crédit aux entreprises est une bonne nouvelle", a commenté Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CGPME (syndicat patronal), soulignant l'atout que représente la densité du réseau de la Banque Postale, qui s'appuie sur celui de La Poste.
En 2011, la Banque Postale deviendra une banque de détail comme les autres. Outre le crédit aux entreprises, elle a déjà lancé son offre de crédit à la consommation début avril 2010 et fera ses grands débuts dans l'assurance dommage en décembre. Fin 2011 s'ajoutera même à la palette de l'assurance santé.
L'élargissement de l'offre "était un objectif vital", pour M. Werner, "une question de survie à terme". "Il est normal qu'un client qui n'a pas les services dont il a besoin aille à la concurrence", résume-t-il.
Déjà très pugnace sur le crédit immobilier, où elle affiche une progression insolente depuis plusieurs années, ainsi qu'en assurance vie, la Banque Postale pourrait grignoter rapidement des parts de marché à ses concurrents.
Elle peut compter pour cela sur ses dix millions de clients dits actifs, qu'elle pourra solliciter pour souscrire de nouveaux produits.
En seulement cinq mois, elle a ainsi accordé près de 450 millions d'euros de crédit à la consommation, métier qu'elle découvre pourtant.