Les courtiers maîtrisant l'art des échanges ultra-rapides à l'aide d'ordinateurs surpuissants se trouvent dans le collimateur des autorités de régulation américaines qui cherchent à éviter une répétition du "krach éclair" qui a ébranlé Wall Street le 6 mai.
Connue sous le nom de "transactions à hautes fréquences" (ou "high frequency trading" - HFT - en anglais), l'utilisation d'algorithmes complexes qui analysent l'état des marchés à la vitesse de la lumière représente actuellement plus de la moitié des transactions quotidiennes sur les plateformes boursières américaines.
La centaine de sociétés discrètes, parfois secrètes, spécialisées dans ce type d'échanges, ont été poussées sur le devant de la scène à la suite du krach éclair du 6 mai, au cours duquel l'indice vedette Dow Jones s'était retrouvé en baisse de près de 1.000 points, soit plus de 9%, en quelques minutes.
Bien que les raisons de cette déroute soient toujours à l'étude, le blâme s'est rapidement porté sur des marchés où les échanges automatisés dominent.
La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme boursier américain, doit publier dans les semaines à venir son rapport sur le krach, qui devrait contenir des mesures destinées à encadrer davantage ces méthodes.
Mardi, sa présidente, Mary Schapiro, a souligné que la fulgurante croissance du HFT ces dernières années avait "soulevé des questions et inquiétudes sérieuses" et éloigné de Wall Street de nombreux investisseurs américains privés qui craignent une répétition du 6 mai.
Selon leurs détracteurs, les sociétés qui emploient ces techniques empochent des bénéfices en doublant les autres intervenants, et agissent de manière irresponsable sur des marchés où elles ne sont pas régulées, certaines n'étant même pas enregistrées comme sociétés de courtage.
A l'inverse, pour les défenseurs de la méthode, l'informatisation des échanges, omniprésente depuis les années 1980, a amélioré la stabilité, la précision et la vitesse des plateformes financières en permettant l'analyse simultanée de plusieurs marchés.
Une plus grande vitesse d'action "est en fait un signe de santé, de vitalité et de concurrence sur le marché", explique à l'AFP Cameron Smith, qui travaille à Quantlab, une société spécialisée dans les transactions à hautes fréquences basée à Houston (Texas, sud).
Les transactions à haute fréquence représentent un volume dix fois supérieur en 2009 à ce qu'il était dix ans plus tôt, avec une moyenne de 9,8 milliards d'actions échangées quotidiennement pour des ordres exécutés au millionième de seconde.
Elles n'ont toutefois généré qu'un modeste profit de 21 milliards de dollars sur l'année 2008, selon les estimations de la société de recherche Tabb Group.
L'un des éléments clé du krach éclair est, selon certains, que les ordinateurs programmés pour ces transactions ultra-rapides ont automatiquement arrêté les opérations au début de la dégringolade, asséchant la liquidité sur le marché et accélérant la chute.
Une autre méthode très controversée de ces sociétés consiste à annuler dans les millisecondes qui suivent une grande partie des ordres massifs passés par les ordinateurs.
Cela provoque des mouvements de quelques fractions de cents sur le prix d'un titre, qui suffisent aux courtiers pour encaisser des milliers de dollars par transaction.
"Il peuvent pousser les prix à la hausse en créant un élan", note Sandip Bhagat, de la société d'investissement Vanguard. "C'est le genre d'actions qui ne sont certainement pas éthiques et à un certain niveau probablement à la limite la manipulation de cours".
Mary Schapiro a indiqué que la SEC, avec d'autres régulateurs, allait "scruter avec attention certaines pratiques dans ce domaine", afin de juger si elles sont frauduleuses.