Michel Lucas, intraitable en affaires et peu doué pour les mondanités, se retrouve seul maître à bord du réseau mutualiste Crédit Mutuel après la démission surprise du président, le très discret Etienne Pflimlin, à l'ombre duquel il a bâti un des poids lourds européens.
"J'ai décidé, pour des raisons personnelles, de mettre fin à mes fonctions en tant que président de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, ainsi que de la Fédération du Crédit Mutuel Centre Est Europe", écrit M. Pflimlin, bientôt 69 ans, dans une lettre adressée lundi aux salariés de la banque.
Une annonce qui a pris tout le monde de court. "Je suis surpris. Je fais partie du conseil de surveillance du CIC et à aucun moment, cette décision n'a été évoquée, ni directement ni indirectement", a dit à l'AFP Jean-Claude Martinez, délégué syndical FO.
Polytechnicien et énarque, M. Pflimlin avait été nommé à la tête de la banque mutualiste en 1987, trois ans seulement après y être entré.
Il quittera la présidence le 14 octobre, au lendemain de l'assemblée générale confédérale, deux ans avant la fin de son mandat.
Cet homme élancé, d'une grande discrétion, cumulait la direction de la plus importante fédération du groupe mutualiste, le Crédit Mutuel Centre Est Europe, et la direction confédérale du réseau.
Fils de l'ancien maire de Strasbourg et cousin du président de France Télévisions, il propose de confier les rênes du groupe à Michel Lucas, son directeur général, entré au Crédit Mutuel il y a plus de 30 ans en qualité d'informaticien, et qui lui a fait prendre de l'avance sur le plan technologique, dans la banque à distance puis dans les cartes de paiement.
Surnommé le "requin blanc" en raison de sa chevelure blanche comme de son aptitude à croquer ses proies au moment où ses concurrents s'y attendent le moins, M. Lucas, 71 ans, devait quitter son mandat de directeur général dans un an, sans possibilité de se maintenir au-delà.
Selon une source proche du dossier, en prenant la présidence, M. Lucas peut se maintenir cinq ans de plus à la tête du groupe, tout en se consacrant, depuis ce poste non-opérationnel, à ce qui lui tient le plus à coeur: la presse.
C'est Nicolas Théry, ancien haut fonctionnaire à la Commission européenne, auprès de M. Lucas depuis juillet 2009, qui devrait lui succéder à la direction opérationnelle, a ajouté cette source.
Car M. Lucas a beau être peu amène avec les journalistes, ce gros fumeur de cigares voue une passion à la presse. D'ici à 2012, le Crédit Mutuel, déjà propriétaire à 100% des journaux de Bourgogne et de Rhône-Alpes, ainsi que du Républicain lorrain et de L'Alsace, devrait contrôler également le groupe Est Republicain, devenant ainsi le premier groupe de presse français.
"Au cours du quart de siècle écoulé, le Crédit Mutuel a connu de profondes évolutions", selon M. Pflimlin, qui se dit "fier" du travail accompli.
Acquisition du CIC en 1998, rachat comptant, en pleine crise financière, des activités de crédit à la consommation de Citigroup en Allemagne, création d'une banque en Espagne: sous leur tutelle, le groupe fondé en Alsace à la fin du XIXe siècle a changé de dimension.
La deuxième banque de détail française, qui a fait preuve d'une résistance remarquable pendant la crise, s'est également diversifiée, développant une activité d'assurance, de crédit à la consommation (Cofidis), de téléphonie mobile (en partenariat avec NRJ Mobile).