Environ 155 000 tonnes de déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) sont exportés d'Allemagne principalement vers les pays d'Afrique ou d'Asie. A eux-seuls, téléviseurs et ordinateurs représentent 50 000 tonnes. L'Agence de l'environnement (UBA) propose une série de mesures pour améliorer la surveillance et la traçabilité de ces déchets au fort impact sanitaire et environnemental.
Pendant un an et demi, les chercheurs de l’Institut Ökopol de Hambourg ont sillonné marchés aux puces, magasins d’occasion, décharges… Ils ont également questionné la police, les douanes et l’administration pour déterminer avec le plus de précision possible la provenance, la qualité et la quantité des DEEE en Allemagne. Résultat : les informations fournies par l’étude d’Ökopol sont les plus « solides » qui existent jusqu’à présent, se félicite Norbert Röttgen, le Ministre de l’environnement. « L’étude montre la dimension de l’exportation illégale des déchets électroniques. Mais elle montre aussi la nécessité de prendre des mesures supplémentaires pour résoudre ce problème ».
Les deux auteurs de l’étude ne manquent cependant pas de souligner la difficulté à trouver les statistiques nécessaires ainsi que l’opacité qui règne sur le marché des déchets électroniques. Les petites décharges privées, ou « Sammelplätze » constituent, selon les auteurs, le point névralgique du circuit des DEEE illégaux en Allemagne. Les propriétaires de ces décharges, souvent des personnes privées ou des familles entières, n’hésitent pas à vendre leurs contenus aux intermédiaires venus en Allemagne acheter la précieuse cargaison pour l’acheminer via le port de Hambourg vers l’Afrique de l’ouest. L’étude estime qu’il en existe entre « plusieurs centaines » et jusqu’à « plus de mille ».
En France, le Centre national d'information indépendante sur les déchets (CNIID) appelle le gouvernement à adopter la même démarche : « La France pourrait elle aussi produire une étude similaire. C'est en effet en connaissant mieux ces flux de déchets que l'on pourra agir afin de les diriger vers des filières efficaces de réemploi et de traitement. » L’organisation déplore le manque d’information sur les lieux de traitement des DEEE et sur leurs impacts sanitaire et environnemental : « Sur les 80 % annoncés de DEEE recyclés, quelle est la part dont on perd en réalité la trace et qui se retrouve perdue à plusieurs milliers de kilomètres de l'Europe ? »
Rotterdam versus Hambourg
Pour Greenpeace Allemagne, dont le siège est à quelques encablures seulement du port de Hambourg, le gouvernement doit clairement agir. Afin d’illustrer son propos, l’organisation renvoie au bon exemple néerlandais : « Alors que les Pays-Bas s’attaquent de manière offensive au sujet, au point que le port de Rotterdam invite la presse à suivre son combat contre l’exportation illégale de déchets électroniques, il en est tout autrement à Hambourg. Il est très rare d’obtenir des rendez-vous avec l’administration du port. En fait, personne de veut ternir l’image d’un port qui emploie près de 150 000 personnes ».
Par ailleurs, l’ONG rejoint les auteurs de l’étude dans la nécessité absolue d’harmoniser le cadre légal et administratif…en Allemagne (voir encadré) : « La coopération entre les douanes, la police des eaux et les administrations des Länder ne fonctionne pas toujours de manière aussi peu bureaucratique qu’aux Pays-Bas », déplore-t-on au siège de Greenpeace. « Pourtant, il est essentiel d’aller vite lorsqu’un suspect est repéré. Malheureusement, en Allemagne, on compte environ une trentaine d’administrations différentes en charge de la gestion des déchets, et en plus de cela, chaque Länder dispose de sa propre autonomie dans la lutte contre les déchets électroniques illégaux ».
La France est elle aussi concernée par ce trafic. Selon les informations parues sur le site du Figaro le 9 juin dernier, les gendarmes français ont "pour la première fois mis au jour un trafic de déchets électroniques à destination de l'Asie et du Moyen-Orient". De "très nombreuses palettes ainsi que des containers bourrés de téléviseurs et d'ordinateurs prêts à l'exportation ont été découverts". En l'espace de deux ans, "quelque 3000 tonnes de déchets dangereux contenant des gaz ou des métaux toxiques auraient ainsi été expédiés vers l'étranger, en violation flagrante de la réglementation européenne sur l'environnement", souligne l'article.