« Les chiffres 2009 sur le marché français de l’ISR révèlent une progression exceptionnelle », s’est félicité Dominique Blanc, responsable de la recherche de Novethic. La filiale de la Caisse des dépôts a en effet révélé, le 19 mai 2010, les chiffres de son enquête annuelle auprès des acteurs du marché français de l’ISR, marché qui témoigne d’une spectaculaire progression des encours. Il dépasse la barre symbolique des 50 milliards d’euros (soit 50,7 milliards). La hausse annuelle est de 70%, les encours ISR atteignaient 29,9 milliards d’euros à fin 2008. Autre changement important par rapport aux années précédentes, la majeure partie de la progression provient des fonds ISR et notamment de la clientèle des particuliers. « La gestion collective a été plus dynamique que la gestion dédiée, elle redevient majoritaire et représentait à la fin de l’an dernier 57% des encours contre 45% un an auparavant » indique Dominique Blanc. A contrario, les mandats ISR lancés par des clients institutionnels ont progressé plus faiblement en 2009, de l’ordre de 33% sur l’année. De plus cette progression est davantage liée à un « effet marché » c'est à dire à une meilleure performance financière des mandats existants qu’à de nouveaux appels d'offre. « Jusqu’en 2008, les encours augmentaient par le biais de nouveaux mandats lancés par des grands institutionnels, cette année, ce sont les particuliers qui ont contribué à l’accroissement des encours », précise Anne –Catherine Husson Traoré, directrice générale de Novethic. Dans le détail, en gestion collective, les encours détenus par les particuliers ont crû de 125% pour atteindre 9 milliards d’euros, ceux détenus par les institutionnels ont progressé de 105%.
L'épargne salariale multipliée par deux
On assiste également à une très forte progression des encours en épargne salariale de 118% sur un an. Les encours ont plus que doublé et s’élèvent à fin 2009 à 5,4 milliards d’euros. La réglementation a en effet joué un rôle déterminant : la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 – applicable au 1er janvier 2010 - oblige les entreprises à proposer systématiquement, dans le cadre des plans d’épargne entreprise (PEE), un fonds solidaire. Souvent, ces fonds solidaires qui investissent entre 5 à 10% de leurs actifs dans l'économie sociale et solidaire sont investis pour les 90 % restants en fonction de critères ISR. Leur dynamisme (voir article lié) explique en partie la progression des encours ISR de l'épargne salariale. Au dela de ce marché "captif", la participation des épargnants particuliers à la croissance du marché ISR s'explique également par une implication croissante des compagnies d’assurance. Elles commencent à proposer, dans le cadre des contrats d’assurance-vie des produits en unité de comptes ISR. « Parmi les signataires des Principes de l’Investissement Responsable (PRI) on trouve des compagnies d’assurance, mais le moteur est plus vraisemenblablement la charte de l'AFA, organisation professionnelle qui rassemble les acteurs privés et mutualistes. Elle couvre toutes les dimensions du développement durable, y compris la gestion d'actifs. Cela conduit les assureurs à intégrer des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG) dans différents aspects de leurs métiers y compris pour certains l'incitation des réseaux à vendre des produits d’assurance-vie ISR. On ne trouve pas dans le secteur bancaire en général la même mobilisation." explique Anne-Catherine Husson Traoré.
Conversion de fonds existants à l'ISR
L’accroissement important des encours des fonds ouverts correspond également à la conversion essentiellement de produits monétaires en fonds gérés sur des critères ISR. Le montant des actifs convertis s’élève à 7,8 milliards d’euros en 2009, ce qui représente plus de la moitié de l’accroissement de la gestion collective ISR. « Si nous avions émis des réserves en 2008 sur la façon dont ces conversions ont été opérées, en 2009 celles-ci ont été menées de façon beaucoup plus réfléchie, des tests ont été mis en œuvre pendant plusieurs mois pour adapter les processus de sélection avant d’annoncer officiellement la conversion », indique Dominique Blanc. Cela a pour conséquence de transformer la nature du marché français de l'ISR aujourd'hui largement dominé par des produits de taux (monétaire mais aussi obligataires) qui représentaient, fin 2009, 69% des actifs gérés contre 30% pour les actions. Autre conséquence, la répartition par type d’institutionnel s’est modifiée avec une montée en puissance des entreprises qui utilisent dorénavant des produits ISR pour leur gestion de trésorerie.
L’ESG comme méthode de gestion des risques
Au-delà de la progression des encours des fonds ISR, l’enquête montre également une diffusion croissante de la prise en compte de critères ESG dans la gestion sans pour autant donner lieu à l’utilisation systématique de ces critères dans la gestion. «Les démarches d’intégration ESG concernent, en 2009, près de 2500 milliards d’euros d’encours, soit le double de 2008. Les gérants utilisent surtout des approches normatives. cela signifie qu'ils excluent des activités non conformes à des traites internationaux comme la production et la commercialisation des mines anti-personnel et des bombes à sous munitions, ou encore des conventions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) », relate Dominique Blanc. Cette extension témoigne d'une sensibilisation croissante des gérants à la dimension extra-financière de l'analyse des émetteurs (entreprises, Etats ou autres) dans lesquels ils investissent, notamment dans une optique de contrôle des risques.
Sandra Sebag