L'Union européenne (UE) en panne économique et l'Amérique latine à peine touchée par la crise, ont signé mardi plusieurs accords de libre-échange pour doper leurs échanges commerciaux, ravivant les craintes de certains pays agricoles européens.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso s'est efforcé de tempérer ces réticences en affirmant qu'"une bonne partie de la croissance de demain viendra de la demande extérieure".
L'UE et le bloc des pays d'Amérique centrale (Costa Rica, Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama) ont annoncé la conclusion d'un accord de libre-échange après trois ans de négociations.
Des accords de commerce multilatéraux ont été conclus dans la foulée entre l'UE et la Colombie, ainsi que le Pérou, dix ans après celui conclu avec le Mexique.
Lundi soir, l'UE avait annoncé la reprise officielle des négociations, rompues en 2004, avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay), en vue d'un accord du même type.
Les participants ont aussi approuvé un mécanisme d'investissements européen en Amérique latine qui permettra de mobiliser "jusqu'à trois milliards d'euros pour les infrastructures", a indiqué le chef du gouvernement espagnol José Luis Rodriguez Zapatero.
M. Zapatero, dont le pays assure la présidence tournante de l'UE, s'est félicité de la "réaffirmation de l'engagement de solidarité" envers Haïti, le pays le plus pauvre d'Amérique, ravagé par un terrible séisme en janvier.
Le sommet a été un succès pour la présidence espagnole de l'UE qui voulait en profiter pour relancer les liens entre les deux continents.
Avant M. Barroso, M. Zapatero avait aussi soutenu que "la capacité de la croissance économique est dans l'ouverture des frontières et la libéralisation" et non le protectionnisme.
Les participants ont reconnu les "difficultés" des négociations UE-Mercosur, qui, en cas d'accord final, créeraient une vaste zone de libre-échange de 700 millions d'habitants susceptible de doper les échanges respectifs de cinq milliards d'euros par an.
Mais les pays d'Amérique du Sud rechignent à ouvrir largement leur marché des services aux Européens.
Et sur le Vieux Continent, la France, à la tête d'un front de dix pays s'oppose avec force à l'idée d'ouvrir son marché agricole aux pays du Mercosur, qui concentrent 20% de l'élevage mondial et 35% de la production de soja de la planète et qui sont les premiers exportateurs mondiaux de maïs.
Une plus grande ouverture du marché intérieur européen aux productions de ces pays serait "le coup de grâce, le coup définitif pour les productions espagnoles" et "aurait un impact énorme sur l'élevage européen", a dénoncé José Luis Miguel, un responsable syndical agricole espagnol.
Elle aurait "des conséquences désastreuses pour des milliers de familles paysannes européennes qui vivent de la production de viande bovine", a renchéri le Français José Bové, député européen et vice-président de la Commission agriculture et développement rural du Parlement européen.
Face à une Europe embourbée dans la crise des déficits, les pays sud-américains ont clairement dit qu'ils entendaient traiter désormais sur un pied d'égalité.
"Nous voulons négocier en tant que partenaires, pas en tant que clients", a averti la présidente argentine Cristina Kirchner, voyant dans les négociations UE-Mercosur "un grand défi parce que c'est la question du protectionnisme qui est en jeu".
Symbole de cette Amérique latine se sentant le vent en poupe, le président brésilien Luis Inacio Lula da Silva s'est présenté à Madrid auréolé d'une offre scellée loin de sa sphère d'influence, avec la Turquie et l'Iran, pour tenter de résoudre la crise du nucléaire iranien.