Vallée du Vair (Vosges), fin des années 80. Les analyses de la teneur en nitrate de l’eau minérale Vittel sont inquiétantes : à 8mg/L, elles approchent le seuil maximal imposé par les normes sanitaires (10mg/L). Craignant pour son activité, l’industriel français s’engage alors dans un vaste programme de recherche, et sollicite les lumières de l’INRA* pour évaluer l’impact des activités humaines sur la qualité des eaux de surface. Les exploitations agricoles implantées sur le bassin de captage, essentiellement de maïs et d’élevage bovin, pratiquent une agriculture intensive. Et le verdict est sans appel : l’utilisation massive d’engrais chimiques, de pesticides et d’herbicides menace la production de l’eau minérale.
Dès 1992, devenu premier actionnaire de Vittel, Nestlé Waters crée alors la filiale Agrivair, destinée à mettre en pratique les recommandation des agronomes. Le groupe dégage 25 millions d’euros, rachète à un prix attractif 50% des terres de son bassin de captage et les met à disposition des agriculteurs en contrepartie d’un cahier des charges « zéro nitrate et zéro pesticide » sur une durée de 18 à 30 ans. Il propose une aide de 200 €/ha/an aux exploitants qui s’engagent dans la démarche et prend en charge le renouvellement des équipements et des bâtiments. Aujourd’hui, 92% des surfaces agricoles du bassin de captage respectent le cahier des charges. Et la teneur en nitrate de Vittel est tombée à 4,8mg/L.
Pour Emmanuel Marichon, directeur marketing de Nestlé Watters France, vingt ans plus tard, le bilan est positif pour toutes les parties prenantes. « Cette démarche a permis à la fois le maintien de la biodiversité sur les terres agricoles, et le maintient de l’activité économique locale. » D’autant qu’au-delà des exploitations agricoles, les pesticides ont été bannis des trois golfs voisins, et le désherbage des voiries se fait désormais par un procédé thermique.
L’engagement 4x20 de Vittel
Vittel s’est par ailleurs fixé une série d’objectifs pour 2012, s’alignant sur les ambitions nationales : baisser de 20% ses consommations d’eau et d’énergie, le poids de ses emballages, et ses émissions de gaz à effet de serre. Un premier bilan carbone effectué en 2007 a en effet révélé que plus de 60% de ses émissions sont directement imputables aux emballages plastiques. Et si l’industriel a déjà réduit le poids de ces emballages de 18% ces dix dernières années, il s’agit pour lui de poursuivre l’effort, en incitant notamment les consommateurs à trier leurs déchets, puisque le plastique utilisé est recyclable à l’infini. Par ailleurs, Vittel finance une Chaire de recherche sur les bioplastiques, abritée par l'École des Mines de Paris, en espérant pouvoir un jour utiliser exclusivement du plastique d’origine végétale.
Compenser : une nécessité
Mais la réduction des emballages, ou le déploiement du transport de marchandises par le rail ne suffiront pas à faire chuter les émissions de CO2 de 20%. Comme nombre de ses concurrents, Nestlé Waters s’est donc engagé dans une démarche de compensation de ses émissions en finançant des projets de reforestation en Amazonie. Associé à Pur Projet, collectif de lutte contre le réchauffement climatique, l'industriel finance cette année la plantation de 350 000 arbres au Pérou et en Bolivie. L'idée : inciter les petits producteurs de maïs ou de soja à reforester une partie de leur parcelle. Comme le souligne Tristan Lecomte, co-fondateur de Pur Projet, « sans un accompagnement technique par des ingénieurs forestiers, ces producteurs n'auraient pas accès à la reforestation. Ils sont souvent implantés dans des zones isolées, difficilement accessibles, et n'ont pas forcément les moyens d'aller acheter des plantons, ni de se former pour savoir comment les planter.
L'implication financière de grandes sociétés est donc primordiale pour développer ce type de projet et faire en sorte qu'ils aient un impact significatif. » Chacun y trouve en effet son compte. Car la restauration des écosystèmes grâce à la reforestation améliore la fertilité des terres agricoles, et donc leur rendement. L'impact économique pour les agriculteurs locaux est donc loin d'être négligeable, d'autant que la vente du bois issu de ce dispositif d'agro-foresterie devrait à terme multiplier leurs revenus par cinq. Et pour Nestlé Waters, cette opération présente une capacité de séquestration de 115 000 tonnes d'équivalent CO2.
Grâce à ces actions en faveur de l'environnement, Nestlé Waters entend aussi séduire des consommateurs de plus en plus exigeants. Car depuis 2007, le marché français des eaux minérales régresse de 6% en moyenne chaque année. Pour Denis Cans, président de Nestlé Waters France Belgique, « le consommateur a pris le pouvoir. Désormais, c'est lui qui fait ses choix. À nous d'expliquer que les eaux minérales apportent beaucoup plus de bénéfices que l'eau du robinet. » Car si les Français consomment en moyenne 137 L d'eau minérale par an, ils boivent en revanche près de 500 L d'eau potable chaque année.
* Institut National de la Recherche Agronomique