« Cette décision judiciaire est un rendez-vous avec l’histoire », Alain Bougrain-Dubourg, le président de la LPO (Ligue de Protection des Oiseaux), ne boude pas son plaisir de voir reconnaître par la Cour d’appel de Paris, la notion de préjudice écologique. Il ajoute : « Nous nous sommes battus pour faire reconnaître la valeur financière du vivant non commercial. Nous avons gagné et cette jurisprudence ouvre de nouvelles possibilités pour toutes les associations comme les nôtres dans des affaires comparables. »
Dix ans de procédure et deux procès très techniques sur la chaîne de responsabilité dans le secteur maritime et les rôles respectifs du groupe Total, de l’armateur et de la société d’immatriculation dans le naufrage ont abouti à un jugement de 500 pages ! Pour l’instant, il faut donc en retenir la confirmation et l’extension de la notion de préjudice écologique par rapport à la décision de première instance (voir article lié). Le droit à l’indemnisation des collectivités locales a été reconnu au sens large puisque le jugement du 30 mars inclut les régions et les communes qui avaient été déboutées en première instance du fait de leur manque de compétence environnementale.
A la question : « le groupe Total est-il responsable directement ou indirectement du naufrage de l’Erika ? », le tribunal a répondu de façon complexe. D’un côté, il a condamné l’entreprise pétrolière au pénal pour imprudence dans la sélection de son navire mais, de l’autre, il a estimé que cette faute n’était pas intentionnelle et donc qu’il n’y avait pas lieu de la condamner au civil à indemniser le préjudice causé. Une décision alambiquée pour Alain Bougrain-Dubourg qui regrette que « le pollueur ne soit pas le payeur à cause d’une pirouette juridique ! ». Car ainsi, la sanction financière n’a pas été alourdie par le tribunal pour Total qui plaidait « non coupable ». Le groupe souligne toutefois qu’il s’était engagé, lors du premier jugement il y a deux ans, à indemniser immédiatement toutes les victimes qui demanderaient le versement des indemnités globales, fixées à l’époque à 192,5 millions d’euros. D’ores et déjà, il a attribué 170 millions d’euros qui resteront acquis à ceux qui en ont bénéficié.
Les condamnations pour le préjudice causé par le naufrage de l’Erika ont malgré tout été aggravées de 30 millions d’euros par rapport à la décision de première instance mais seuls l’armateur et la société Rina, qui classifie les navires et avait mis l’Erika à disposition du groupe Total, sont condamnés à les verser. Ils se sont donc immédiatement tous deux pourvus en cassation. Le groupe Total, lui, n’a pas encore décidé s’il allait faire de même et compte profiter des 5 jours de délai qui lui sont accordés pour examiner le jugement dans tous ses détails.
Anne-Catherine Husson-Traoré.