L’actualité environnementale de la fin mars a été marquée par l’ajournement de la taxe carbone de la part du gouvernement. Mais pas seulement. Une autre information est passée relativement inaperçue : le report de l’étiquetage écologique par les députés. Le projet de loi Grenelle 2 (qui sera probablement examiné à l’Assemblée nationale en mai) voulait le rendre obligatoire au début de l’année prochaine... il sera finalement expérimenté à partir du 1er juillet 2011.
Divers produits seront alors concernés pour une durée minimale d’un an. Objectif : informer progressivement le consommateur « du contenu en équivalent carbone des produits et de leur emballage » et le sensibiliser à « la consommation de ressources naturelles ou à l’impact sur les milieux naturels qui sont imputables à ces produits au cours de leur cycle de vie » avant une généralisation du dispositif, selon le vote de la commission parlementaire du Développement durable.
Nous ne sommes donc pas prêts de voir des étiquettes renseignant sur le coût carbone des articles dans les supermarchés... Ce qui n’est peut-être pas une mauvaise chose : la taxe carbone a été conçue à la hâte, sans réelle étude d’impact ni pédagogie. Résultat : la mesure, impopulaire, est retoquée par le Conseil constitutionnel puis finalement abandonnée par le gouvernement, au grand dam du climat. L’affichage carbone, lui, devra donc être longuement examiné et expliqué pour ne pas subir le même sort. Car les difficultés qu’il rencontre, à l’instar de la fiscalité écologique, ne manquent pas...
Un calcul complexe
Permettre au consommateur d’identifier les produits coûteux en CO2 de ceux à faible impact environnemental, lui donner une autre indication que le prix ou le label pour orienter ses achats : pas facile à mettre en place. On sait déjà que l’étiquette prendra en compte la facture carbone du produit sur l’ensemble de son cycle de vie (production, transformation, transport, emballage, distribution, élimination), mais les paramètres à prendre en compte, les unités de mesure, les indicateurs, et les familles de produits concernées restent à définir.
Les enseignes Casino et Leclerc testent la formule depuis 2008 dans certains de leurs magasins. Une expérience qui inspire grandement le groupe de travail formé par l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et la FCD (Fédération des Entreprises du Commerce et de la Distribution), chargé de plancher sur le sujet : le code à quatre couleurs choisi par l’un de ces acteurs de la grande distribution (qui rappelle l’étiquette énergie utilisé pour l’électroménager) sera par exemple repris. Il faudra maintenant harmoniser la méthodologie de calcul, car les critères sélectionnés aujourd’hui sont très différents, rendant la comparaison des produits difficiles d’un supermarché à l’autre.
Notre façon de consommer changera-t-elle ?
Selon un sondage Ipsos, 86 % des Français expriment un intérêt très fort pour ce type d’information. Mais l’enquête révèle aussi que l’éventualité d’un surcoût peut constituer un frein important au choix de produits à faible impact sur l’environnement. C’est leur principal handicap : difficile pour le consommateur d’abandonner les tomates cultivées sous serre en Espagne, coûteuse en CO2 mais bon marché, au profit des tomates françaises, plus « propres » mais toujours plus onéreuses.
Cela dit, sur le long terme, l’affichage carbone aura l’avantage de jouer un grand rôle de sensibilisation aux enjeux de la protection du climat. Les consommations locales ou de saison ne seront plus un secret pour les clients. Autre atout : la nouvelle lutte concurrentielle que les industriels se livreront, sur le terrain de l’écologie, cette fois, et plus seulement sur les prix. Ce phénomène a été constaté par Tesco : le leader britannique de la distribution a lancé l’étiquetage écologique en 2008 et remarqué qu’il influençait moins les consommateurs que les fabricants...
L’affichage carbone dans le monde :
La Commission européenne travaille depuis 2008 sur une méthodologie d’analyse du cycle de vie des produits qui pourrait être appliquée dans l’ensemble de l’Union. Aux Etats-Unis, l’étiquetage écologique est prévu dans le projet de loi sur l’énergie (American clean energy and security act). L’EPA (Agence de protection de l’environnement) est chargé du dispositif. Et au Japon, le JEMAI (Japan environmental management association for industry) mène depuis 2009 un vaste programme d’études.