
Le Premier ministre, François Fillon, a annoncé mardi le report sine die de la taxe carbone prévue au 1er juillet, laissant entendre que la France n'avancerait pas en l'absence d'une position commune avec les autres pays européens, qui est loin d'être acquise.
Proposée par Nicolas Hulot dans son "Pacte écologique" lors de la campagne présidentielle de 2007, la taxe carbone, qui vise à encourager ménages et entreprises à des comportements plus "verts", est une mesure emblématique dont Nicolas Sarkozy a comparé l'importance à l'abolition de la peine de mort.
Début mars, à la veille des élections régionales, le chef de l'Etat avait laissé présager un changement de calendrier.
"Il faut que toutes les décisions prises en matière de développement durable soient analysées à l'aune de notre compétitivité. Cela vaut pour la taxe carbone. Nous voulons que les décisions soient prises en commun avec les autres pays européens", a déclaré M. Fillon lors d'une réunion de députés UMP.
Peu après, il assurait, dans un communiqué, que le gouvernement "mettra en oeuvre la taxe carbone, qui constitue un engagement du Grenelle de l?environnement", sans toutefois mentionner la moindre échéance.

Il est "très peu probable" qu'une taxe soit mise en oeuvre au niveau européen, "et le gouvernement en a parfaitement conscience", a immédiatement réagi le Réseau action climat.
M. Sarkozy devait évoquer la question mercredi dans sa déclaration prévue à l'issue du Conseil des ministres.
La secrétaire d'Etat à l'Ecologie, Chantal Jouanno, a fait entendre une voix dissonante, affirmant ne pas être "en phase" avec l'idée de s'en remettre à une décision européenne.
"Je suis désespérée de ce recul, désespérée que ce soit l'écolo-scepticisme qui l'emporte", a-t-elle déclaré à l'AFP, avant, quelques heures plus tard, de se réjouir de la "clarification" de M. Fillon. Selon elle, cette dernière signifie "qu'on ne suspend pas la création d'une taxe carbone en France à une taxe similaire au niveau européen".
Affirmant "rester convaincu" de sa nécessité, le ministre de l'Ecologie Jean-Louis Borloo a de son côté regretté que la taxe carbone ait été "l?otage de débats qui ont dépassé largement le champ de l?écologie et qui ont conduit à une profonde incompréhension".
Annoncée à l'automne 2009 par Nicolas Sarkozy, la taxe carbone, qui portant uniquement sur les énergies fossiles, devait se traduire par une hausse de 4 centimes par litre d'essence à la pompe.
Mais trois jours avant son entrée en vigueur prévue initialement le 1er janvier, le Conseil constitutionnel annulait le dispositif, par ailleurs très impopulaire, contraignant le gouvernement à remettre le dossier sur la table, pour un démarrage au 1er juillet.
Mardi, le patronat français a fait part de son soulagement. "L'industrie n'aurait pas supporté ce nouveau handicap de compétitivité", a déclaré Laurence Parisot, présidente du Medef.
La Fondation Nicolas Hulot a regretté que l?Europe soit "une fois de plus l?excuse toute trouvée pour renoncer à un projet qui n?est plus aujourd?hui soutenu par la majorité présidentielle".
Cécile Duflot, secrétaire nationale des Verts, s'est dite "estomaquée" par la décision gouvernementale. "Remettre aux calendes grecques, c'est abandonner", a-t-elle estimé, jugeant que l'excuse de l'Europe était "du pipeau".
L'ancien Premier ministre socialiste, Michel Rocard, qui avait présidé la conférence d'experts sur la sujet, a vivement regretté la décision, ajoutant qu'il avait "senti que le gouvernement était inquiet, pas très courageux, et peu décidé".