Dans le marasme économique ambiant, les petits vignerons privilégient la vente directe et jouent "la carte de l'authenticité" et de la proximité avec leur clientèle, une des clés selon eux pour sortir la tête de l'eau.
Les chiffres sont tombés en plein salon des vignerons indépendants, dont la 11e édition se tient jusqu'à dimanche à Bordeaux: l'année 2009 a été catastrophique pour les vins de Bordeaux, leurs ventes ont chuté d'un quart par rapport à 2008.
Pour beaucoup de viticulteurs réunis au salon bordelais, la situation est difficile mais pas question de se mettre à genoux.
"Si je vends mon vin en vrac, avec mes 14 salariés, je mets la clé sous la porte en avril", explique à l'AFP Daniel Mouty. Alors pour commercialiser ses 300.000 bouteilles par an de Saint-Emilion et Pomerol, il se "déguise en metteur en marché direct".
"Il y a des vignerons qui ne veulent pas mourir tout de suite", lance M. Mouty, qui préside la fédération Aquitaine des vignerons indépendants.
"Depuis le cèpe de vigne jusqu'à la bouteille vendue au consommateur", le vigneron indépendant a pris le parti de faire "plusieurs métiers en un seul", ajoute-t-il. Il cultive sa vigne, produit son raisin, le vinifie, le conditionne et le commercialise lui-même.
"Sur le vrac, on se casse la figure", confirme Annie-Claude Sangouard, qui produit à Leynes (Saône-et-Loire) 30.000 bouteilles par an de Pouilly-Fuissé, Saint-Véran, Mâcon et Beaujolais-village. "La clé du succès c'est vraiment la vente directe aux particuliers", dit cette aide-soignante qui a dû reprendre le travail pour rapporter un salaire fixe.
"Le consommateur veut savoir qui est derrière la bouteille", renchérit Jean-Luc Dartiguenave, président de la fédération des vignerons indépendants de Gironde.
Pour Evelyne Allien, propriétaire à Barsac (Gironde) dont les ventes de Sauternes vont croissant, "la carte de l'authenticité est le meilleur des concepts". "Le client devient un ami au fil du temps, il passe sur la propriété, on lui explique la méthode de culture, la méthode de vinification, il déguste dans l'ambiance du chai, il garde un souvenir qui fait le tour du monde", dit cette vigneronne qui revendique 10.000 clients en France, au Japon, en Chine, aux Etats-Unis et dans les pays scandinaves.
"Contrairement à une bouteille achetée en rayon ou en cave, la bouteille sort de l'anonymat", poursuit Cédric Coubris, vigneron à Moulis-en-Médoc. "Beaucoup de clients me disent que quand ils servent mon vin, ils racontent une anecdote que je leur ai dite et ainsi ils font vivre le vin".
A Cadillac (Gironde), Jean-Guy Méric, qui vend 60% de sa production de Sainte-Croix-du-Mont directement au consommateur, a aussi "cette forte impression que le client recherche de façon intense un bon contact avec le vigneron qui devient l'homme de confiance".
Pour beaucoup, les salons permettent aussi de faire tourner l'entreprise. La fédération estime à 500.000 bouteilles le nombre de bouteilles qui devraient "migrer directement du producteur au consommateur" à Bordeaux ce week-end.
"Dans cette période de crise, tout ce qui est en contact direct avec le consommateur porte ses fruits", souligne aussi Sylvie Cazes, adjointe au maire de Bordeaux chargée de la valorisation de la filière viticole. "C'est une partie de la clé du succès mais attention à ne surtout pas uniformiser les moyens de commercialisation", avertit-elle, "il faut que chacun trouve sa propre voie".