Dix jours après être devenue une société anonyme à capitaux publics, La Poste pourrait décider jeudi de renouer avec l'un de ses métiers historiques, les télécoms, en se lançant dans le mobile, un secteur concurrentiel où d'autres avant elle se sont cassés les dents.
Le projet, révélé mardi par Les Echos, "est inscrit à l'ordre du jour du conseil d'administration du 11 mars" (jeudi, jour de publication des résultats 2009), a précisé à l'AFP une porte-parole du groupe.
En cas de feu vert des administrateurs, La Poste, qui a changé de statut le 1er mars, lancera une consultation pour trouver un partenaire d'ici septembre et lancer sa marque au premier semestre 2011.
L'idée est de "ne pas y aller tout seul, mais de faire appel au marché et de s'associer à un autre opérateur", selon une source proche du dossier.
"Nous sommes prêts à les aider, nous pouvons héberger une nouvelle marque", a réagi Geoffroy Roux de Bézieux, patron de Virgin Mobile, interrogé par l'AFP.
La Poste pourrait devenir opérateur mobile virtuel (MVNO) en louant le réseau d'Orange (France Télécom), SFR, Bouygues Telecom, voire Free, ou simple licence de marque, en s'alliant avec un opérateur autour d'une offre à son nom.
En visant 1,5 à 2 millions de clients en trois à quatre ans, La Poste est ambitieuse. La dizaine de MVNO en place comptaient fin 2009 3,5 millions de clients, soit 5,93% du parc, dont la moitié (1,7 million) chez Virgin Mobile.
Même si elle jouit d'une forte image de marque, cela ne garantit pas le succès: TF1 a renoncé début 2007, moins d'un an après son lancement.
"Pour être opérateur mobile virtuel, il ne suffit pas d'avoir une marque, il faut des équipes de marketing, d'achats de terminaux, un système informatique", témoigne Geoffroy Roux de Bézieux.
Mais La Poste "a une légitimité à le faire, indiscutablement" car "elle a un réseau de distribution, une clientèle, une marque", estime-t-il.
"C'est peut-être plus légitime de distribuer de la téléphonie que de vendre des ours en peluche dans NOS boutiques", admet Yves Renaud, secrétaire fédéral de la fédération CFDT Postes.
L'exemple de la Poste italienne est encourageant, son opérateur mobile lancé en 2007 comptant 1,3 million de clients.
Surtout que La Poste française a déjà de l'expérience: outre l'administration des PTT qui regroupait les activités de courrier et de télécoms, disparue il y a 20 ans, le groupe a vendu en 2009, dans ses 17.000 points de contact, pour 120 millions d'euros d'offres prépayées d'opérateurs.
"Chaque année 500.000 clients viennent à La Poste pour acheter de la téléphonie mobile, il y a une base de clientèle, des habitudes", explique une porte-parole.
Le groupe cherche à se diversifier alors que les volumes de courrier - son activité historique, plus de la moitié de ses revenus - devraient fondre de 30% d'ici 2015.
En variant ses activités, Poste Italiane ne tire plus qu'un tiers de son chiffre d'affaires du courrier contre près de 70% en 1998.
Les facteurs français, eux, relèvent déjà les compteurs de gaz, portent des médicaments ou veillent au bien-être des personnes âgées.
"Si cela peut protéger des emplois, pourquoi pas (...), mais cela ne doit pas se faire au détriment de l'emploi chez d'autres opérateurs", note Jean-Luc Jacques, président national CFTC La Poste.
"On a surtout peur que ce soit une nouvelle lubie", réagit Régis Blanchot (Sud-PTT), qui ajoute: "sur quatre ans, les objectifs affichés sont de 500 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce n'est pas énorme".
"On sait bien que le courrier est en déperdition", reconnaît M. Renaud (CFDT). "L'ironie de l'histoire, c'est qu'on reconstitue des PTT".