L'assureur britannique Prudential a annoncé lundi un énorme coup avec le rachat pour 35,5 milliards de dollars d'AIA, filiale asiatique de l'américain AIG, qui en fera le leader international de l'assurance-vie en Asie, région la plus prometteuse du secteur.
Il s'agit de la plus grosse acquisition jamais réalisée dans le domaine de l'assurance, selon le cabinet Dealogic.
Le rachat sera réglé en numéraire à hauteur de 25 milliards de dollars. Prudential aura notamment recours à une augmentation de capital géante de 20 milliards de dollars, à un cheveu du record établi au Royaume-Uni par la banque Lloyds pour survivre à la crise financière (13,5 milliards de livres l'an dernier).
Par ailleurs, AIG se verra attribuer pour 10,5 milliards de dollars de titres Prudential divers, devenant ainsi actionnaire à 11% du nouveau groupe.
La nouvelle entité, forte de 30 millions de clients en Asie, sera le numéro un de l'assurance vie à Hong Kong, Singapour, en Malaisie, en Indonésie, au Vietnam, en Thaïlande et aux Philippines, et premier assureur vie étranger en Chine et en Inde.
Ce rachat placera aussi Prudential dans le peloton de tête des assureurs mondiaux (derrière les Chinois toutefois) avec AXA et Allianz.
Son directeur général Tidjane Thiam a néanmoins assuré lundi que le siège de la nouvelle entreprise resterait à Londres, mais qu'une introduction à la Bourse de Hong Kong était envisagée à terme.
L'Asie, à elle seule, a représenté 44% des nouvelles ventes de Prudential en 2009, selon les résultats annuels de Prudential publiés lundi également. "L'Asie est le moteur de la future croissance du groupe", a remarqué Prudential dans un communiqué.
M. Thiam a noté avec satisfaction "qu'AIA avait tendance à être solide dans les zones où Prudential ne l'est pas, et inversement".
Quant à AIG, l'assureur américain, nationalisé à 80% depuis que les autorités américaines ont dû lui apporter 170 milliards de dollars dans la foulée de la crise financière, il a réglé de belle manière la question de son joyau AIA, qu'il s'apprêtait à introduire à la Bourse de Hong Kong après avoir renoncé à le vendre début 2009. L'argent de la vente sera utilisé à rembourser les dettes à la Fed de New York.
Le PDG d'AIG Bob Benmosche a souligné dans un communiqué à quel point le rachat allait créer "un groupe de choc" en Asie, tandis que M. Thiam a vanté "l'opportunité unique de transformation" de Prudential. Les deux hommes s'envoleront mardi pour Hong Kong afin d'aller à la rencontre de leurs équipes.
Ce rachat a été plutôt bien accueilli. Ainsi, il s'agit pour Manoj Ladwa d'ETX Capital d'un "coup fumant", les analystes de Keefe, Buryette & Woods préférant qualifier le projet "d'alliance potentiellement charmante".
L'agence de notation Fitch, a toutefois prévenu que "les risques considérables possibles dans un rachat de cette importance pourraient mettre sous pression" la note de crédit de Prudential.
A titre personnel, cette affaire doit représenter une intense satisfaction pour M. Thiam. Ce franco-ivoirien de 47 ans, ancien brillant élève de Polytechnique et des Mines, a déjà ouvertement regretté d'avoir dû s'expatrier au Royaume-Uni en 2002 faute d'avoir trouvé en France un emploi à sa mesure, victime du "plafond de verre parfaitement invisible mais ô combien réel" auquel il dit s'être heurté en raison de son origine africaine.
Prudential a cédé 12,03% à 530 pence à la Bourse de Londres lundi, dans un marché en hausse de 0,96%, une chute considérée comme normale au vu de l'importance de l'augmentation de capital annoncée.