François Fillon a tenté mercredi d'enterrer la hache de guerre entre les patrons d'EDF et d'Areva Henri Proglio et Anne Lauvergeon, afin de remettre de l'ordre dans une filière nucléaire durement affectée par le récent échec à emporter un faramineux contrat à Abou Dhabi.
Convoqués pour une réunion d'une demi-heure à laquelle assistaient aussi Christine Lagarde (Economie) et Jean-Louis Borloo (Environnement), les deux patrons, qui s'opposent sur la question des déchets nucléaires, n'ont offert que leurs sourires tendus à la presse, refusant de répondre à toute question.
Dans un communiqué publié à l'issue de la rencontre, Matignon a assuré que les deux dirigeants s'étaient engagés à préciser "d'ici deux semaines" les principes de leur coopération sur le traitement-recyclage des déchets d'EDF.
Du fait de l'expiration d'un contrat qui liait les deux entités jusqu'à fin 2009, le traitement et le transport de ces déchets avaient été suspendus par Areva, suscitant de vives tensions entre les deux groupes publics, qui n'arrivaient pas à s'entendre sur les termes d'un nouvel accord.
Concernant l'enrichissement du combustible, les deux entreprises ont également 15 jours pour définir "les conditions dans lesquelles EDF poursuivra son approvisionnement auprès du site du Tricastin à Pierrelatte (Drôme) dans des conditions économiques équilibrées pour les deux entreprises".
Cinq-cent emplois sont menacés sur ce site d'Areva faute, pour le moment, de contrat de fourniture avec EDF pour la période 2011-2012.
Dans son communiqué, Matignon assure aussi que François Fillon a tenu à "rappeler" le "rôle de l'Etat dans la filière nucléaire" dans les mêmes termes que lors d'une visite qu'il avait effectuée en novembre sur le site du réacteur de troisième génération EPR de Flamanville (Manche). En présence des deux mêmes patrons, il avait alors martelé que l'Etat avait un "rôle leader".
Mais le rappel à l'ordre n'avait apparemment pas suffit, la querelle entre les frères ennemis du nucléaire français ayant été encore attisée par leur échec, le mois dernier, à remporter un appel d'offre pour construire quatre réacteurs à Abou Dhabi, pour un montant de 20 milliards de dollars.
Ce ratage au profit des Coréens avait alors mis en lumière des problèmes de coordination entre les différents acteurs du consortium français, qu'EDF avait rejoint tardivement.
Dès son arrivée à la tête du groupe, en novembre, Henri Proglio avait jeté un pavé dans la mare en demandant de "repenser toute la filière" nucléaire en plaçant EDF à sa tête et en ramenant Areva au rôle de "sous-traitant important" qui lui était auparavant dévolu.
Christine Lagarde, puis François Fillon avait été contraints de calmer les ardeurs du nouveau patron, qui avait ensuite mis en sourdine ses ambitions premières.
"EDF a une espèce de rêve universel d'être le nucléaire à l'international en oubliant un tout petit peu que ça commence à domicile, dans le stade de France", a récemment lancé Anne Lauvergeon au plus fort du différend entre les deux goupes.
"L'équipe de France (nucléaire, ndlr) n'a jamais donné l'impression d'être dirigée", a déploré dimanche le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant.
"On leur a dit qu'il fallait qu'ils s'entendent", indiquait-on dans l'entourage du Premier ministre à l'issue de la rencontre. La demande est urgente: "On va perdre d'autres contrats s'ils continuent à avoir ce comportement ridicule", estimait récemment Ladislas Poniatowski, président (UMP) du groupe énergie au Sénat.