
Les inquiétudes sur la qualité du bilan des banques ont été relancées cette semaine, après l'annonce par la Société Générale de nouvelles pertes sur son portefeuille d'actifs "toxiques", mais les experts mettent en avant des facteurs d'explication propres à la banque.
Le président de la Banque centrale européenne Jean-Claude Trichet a reconnu vendredi sur France Inter que les "actifs pourris" achetés par les banques avant la crise étaient "un problème qui demeure".
Mais le "problème principal" est à ses yeux que "la récession elle-même a provoqué un certain nombre de pertes supplémentaires (...) sur les prêts qui avaient été consentis" aux entreprises. "Tout ceci doit pouvoir être absorbé par le secteur financier compte tenu de l'ensemble des mesures qui ont été prises", a toutefois tempéré le gouverneur.
Les actifs "toxiques", parfois aussi qualifiés de "pourris" ou d'"illiquides", sont des titres financiers complexes hérités de la période précédant la crise financière, et devenus quasiment invendables depuis en raison de leur opacité et/ou de la mauvaise qualité des actifs auxquels il sont adossés.
Ces actifs pèsent sur la qualité du bilan des banques puisqu'ils les contraignent soit à enregistrer des provisions en prévision de pertes futures, soit à constater la baisse de leur valeur de marché (dépréciations).
La Société Générale a ainsi annoncé mercredi avoir passé 1,4 milliard d'euros de provisions et de dépréciations sur des actifs adossés à des crédits immobiliers résidentiels américains ("CDO de RMBS"), qui ont été l'un des grands vecteurs de la crise.
La banque a été contrainte de le faire en raison d'un durcissement des estimations de défaut sur ces crédits et pourrait encore subir 700 millions supplémentaires de pertes en 2010 sur ces actifs, selon une note d'analystes de Nomura.
Le montant des dépréciations enregistrées depuis le début de la crise par la Société Générale sur ses actifs "illiquides" est d'environ dix milliards d'euros, a-t-elle précisé à l'AFP.
L'annonce a fait craindre des opérations similaires dans d'autres établissements, d'autant que depuis plusieurs mois, le Fonds monétaire international (FMI) encourage les banques à assainir leurs bilans, estimant qu'environ la moitié des pertes y sont encore "cachées".
Mais ces craintes doivent être relativisées, selon les experts.
D'une part, si toutes les banques françaises sont concernées par le problème des actifs toxiques, il apparaît, selon les analystes, que la Société Générale avait adopté des prévisions plus optimistes que ses consoeurs françaises pour ces titres et a été contrainte de les ajuster à la baisse au vu des défauts constatés.
La banque au logo rouge et noir a peut-être moins provisionné de pertes sur ces actifs que ses homologues parce qu'elle a dû dans un premier temps combler le trou lié à l'affaire Kerviel, suggère l'un d'eux.
D'autre part, l'étalement des pertes liées aux actifs toxiques sur plusieurs années a été délibérément autorisé par les régulateurs, via des assouplissements comptables introduits fin 2008.
"Si vous avez des pertes, vous détruisez des fonds propres, et donc il vous est difficile de prêter aux acteurs économiques. Un consensus s'est dégagé pour faire le nettoyage de manière progressive, afin de ménager la capacité des banques à prêter", explique Pierre Flabbée, analyste chez Kepler Capital Markets.