Le sort du constructeur et équipementier automobile Heuliez devait être scellé vendredi, mais la plus grande confusion régnait toujours sur le montage financier prévu par son repreneur, le fonds français BKC, qui assurait avoir bien versé son apport de 16 millions d'euros.
"Nous avons apporté à travers notre filiale Heuliez New world 16.395.533 euros", a déclaré vendredi Louis Petiet, le président de Bernard Krief Consulting (BKC), sur BFM Radio.
Il affirme avoir produit jeudi "les derniers justificatifs" attestant du versement de la somme promise depuis des mois pour finaliser la reprise, indispensable au maintien d'environ 600 emplois à Cerizay (Deux-Sèvres).
Une information confirmée par le ministre de l'Industrie. "Nous avons reçu de BKC les pièces comptables qui justifient de sa montée au capital d'Heuliez véhicule électrique", a indiqué vendredi Christian Estrosi. "Elles ont été transmises au FSI pour expertise", a-t-il ajouté.
Mais au Fonds stratégique d'investissement (FSI), créé il y a un an environ par l'Etat pour prendre des participations dans des entreprises et qui avait prévu d'injecter 10 millions d'euros dans Heuliez, le doute est toujours de mise.
"Le FSI est prêt à investir dans Heuliez véhicule électrique dès que les 16 millions promis par BKC seront sur le compte bancaire" de la filiale d'Heuliez, a déclaré un porte-parole.
Une nouvelle fois, le montage financier concocté par Louis Petiet est extrêmement complexe.
Les pièces produites par le président de BKC, dont l'AFP a obtenu copie, sont certifiées par un commissaire aux comptes, mais elles indiquent que BKC n'a pas versé 16 millions d'euros en liquide, mais apporté un titre de créance de 15 millions et a déjà investi un million.
Concrètement: selon un partenariat conclu avec BKC le mois dernier, la société ID --Initiatives & Développements, spécialisé dans la conception de programmes de fidélité-- doit 15 millions d'euros au fonds de Louis Petiet. Une créance inscrite dans les comptes d'Heuliez et cédée à la filiale de voitures électriques.
"Ce n?est pas de l?argent comme beaucoup l?entendent", a expliqué Emile Brégeon, délégué CFDT de l'entreprise. Mais "ce sont des titres immédiatement exigibles, des titres mis à disposition de l?entreprise, à tout moment".
Un avis partagé par le commissaire aux comptes qui a vérifié "le caractère liquide et exigible de cette créance", selon le certificat daté du 11 janvier 2010. Mais l'argent n'est toujours pas sur un compte bancaire.
De plus, le montage conclu entre BKC et ID reste opaque: en échange d'un investissement de 25 millions d'euros de BKC dans la société cotée, ID devait réinvestir 15 millions dans une filiale d'Heuliez, mais pas dans... Heuliez voitures électriques.
"En aucun cas, le Groupe ID n?a vocation à investir dans des activités industrielles de production automobile, (...) et a fortiori dans l?entreprise Heuliez de production de véhicules automobiles", selon un communiqué publié en décembre.
Début janvier, ID a d'ailleurs annoncé que son accord avec BKC avait été "finalisé", mais la société ne fait mention que des 25 millions d'euros... Interrogé par l'AFP, elle n'a pas été en mesure de répondre à nos questions.
Le feuilleton Heuliez dure depuis des mois, alors que le constructeur et équipementier automobile doit être renfloué par une augmentation de capital de 31 millions d'euros --BKC devant apporter 16 millions, le FSI 10 millions et le Conseil régional de Poitou-Charente 5 millions.
Il a aussi été l'objet d'un bras de fer politique entre le ministre de l'Industrie Christian Estrosi (UMP) et la présidente de la Région, Ségolène Royal (PS), à deux mois des élections régionales.