Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a accusé mardi l'Ukraine d'"abus" après que Kiev a annoncé vouloir revoir son accord avec Moscou sur le transit de pétrole vers l'Union européenne, tout en assurant que les livraisons ne seront pas interrompues.
"Nous sommes prêts à fournir (du pétrole), nous avons des contrats, mais si l'un des pays de transit abuse (de la situation), qu'est-ce qu'on peut faire?", a lancé M. Poutine, au deuxième jour de sa visite en Extrême-Orient russe, dans des propos retransmis par la télévision russe.
"Je pense que les contrats (de livraisons de pétrole) seront honorés", a-t-il cependant jugé. "Le problème réside dans le fait que les pays de transit abusent de leur position pour obtenir des prix exclusifs pour leur consommation domestique, et même souvent pas uniquement pour la consommation intérieure mais pour créer un business, pour revendre sur le marché parallèle, pour réexporter", a encore accusé le chef du gouvernement.
Un peu plus tôt, le vice-Premier ministre russe Igor Setchine avait indiqué que le transit de pétrole russe via l'Ukraine ne serait pas interrompu pour autant. "Nous nous attendons à ce qu'il n'y ait pas de problème avec le transit", a-t-il déclaré à des journalistes.
Le ministre russe de l'Energie Sergueï Chmatko et son homologue ukrainien Iouri Prodan se sont mis d'accord lundi sur les principaux points de l'accord, a de son côté indiqué mardi à l'AFP une porte-parole du ministère russe de l'Energie, Irina Essipova.
"Nous avons bon espoir que l'accord sera signé d'ici la fin de l'année", a-t-elle déclaré.
L'Ukraine avait fait savoir lundi qu'elle voulait revoir l'accord conclu avec la Russie en 2004 sur le transit de pétrole russe vers l'UE, en modifiant l'avenant annuel au contrat expirant le 31 décembre et dans lequel les volumes de transit et le prix sont spécifiés.
Selon le gouvernement slovaque, Moscou avait déjà notifié l'UE d'une possible interruption des livraisons de pétrole via l'Ukraine à la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque.
La société d'hydrocarbures ukrainienne Naftogaz a assuré lundi que Kiev ne dresserait aucun obstacle à l'acheminement du brut vers l'UE.
Malgré ces assurances, ce nouvel épisode des tumultueuses relations énergétiques russo-ukrainiennes soulève une fois de plus la question de la dépendance des Européens vis-à-vis des pays de l'ex-URSS.
Début janvier 2009, en plein hiver, un différend entre Kiev et Moscou sur le dossier du gaz avait entraîné une interruption de deux semaines des livraisons russes vers l'UE, dont 80% transitent par l'Ukraine. Une répétition de ce scénario est pourtant peu probable, selon Chris Weafer, économiste de la banque d'investissement moscovite Uralsib.
"Ce n'est ni dans l'intérêt de l'Ukraine, ni dans celui de la Russie de voir une répétition du conflit énergétique de janvier dernier. L'Ukraine a terriblement besoin des derniers financements du Fonds monétaire international (FMI) et la Russie essaie d'améliorer son climat d'investissement et son image de partenaire fiable de l'UE", explique-t-il dans une note.
Et si les livraisons devaient tout de même être interrompues, cela n'aurait pas d'impact majeur sur les consommateurs européens, selon l'analyste.
"Quand le gaz a été coupé en 2006 et en 2009, le client final n'avait presque aucune source alternative d'approvisionnement. Ce n'est pas le cas avec le pétrole. Le marché pétrolier est bien plus transférable et les consommateurs finaux peuvent trouver des sources alternatives relativement rapidement", souligne-t-il.