L'Ukraine veut revoir son accord avec la Russie sur le transit de pétrole russe vers l'Union européenne, au risque de provoquer une nouvelle crise énergétique entre Kiev et Moscou et une interruption des livraisons à l'approche du Nouvel an.
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine a accusé mardi l'Ukraine d'"abus" au lendemain de la proposition de Kiev de revoir son accord avec Moscou sur le transit de pétrole russe vers l'Union européenne.
"Nous sommes prêts à fournir (du pétrole), nous avons des contrats, mais si l'un des pays de transit abuse (de sa situation), qu'est-ce qu'on peut faire?", a lancé M. Poutine, cité par les agences russes. "Je pense que les contrats (de livraisons de pétrole) seront honorés", a-t-il poursuivi.
"Le contrat actuel a été conclu en 2004 pour 15 ans, l'Ukraine veut y apporter des amendements", avait indiqué lundi à l'AFP Sergui Zinkevitch, porte-parole de l'opérateur ukrainien des oléoducs Ukrtransnafta. Kiev veut modifier l'avenant annuel au contrat expirant le 31 décembre et où les volumes de transit et le prix sont spécifiés, avait pour sa part précisé à l'AFP le porte-parole de la société ukrainienne des hydrocarbures Naftogaz, Valentin Zemlianski.
Selon la Commission européenne, "le gouvernement russe a informé la Commission d'une possible interruption des livraisons de pétrole à cause d'un différend commercial entre les compagnies russe et ukrainienne".
"La Commission a demandé aux compagnie russe et ukrainienne d'assurer sans interruption la livraison des approvisionnements destinés à l'Union européenne", a ajouté l'exécutif de Bruxelles dans un communiqué.
Selon le gouvernement slovaque, la Russie a averti l'UE d'une possible interruption de ses livraisons de pétrole via l'Ukraine à la Slovaquie, la Hongrie et la République tchèque.
Le transit du pétrole russe vers l'Union européenne à travers l'Ukraine ne sera pas interrompu, a cependant affirmé mardi le vice-premier ministre russe Igor Sechin, cité par l'agence RIA Novosti. "Nous nous attendons à ce qu'il n'y ait pas de problèmes avec le transit", a déclaré M. Sechin à des journalistes, ajoutant que la Russie continuait à négocier avec l'Ukraine sur les termes d'un accord sur les livraisons de pétrole
Les autorités ukrainiennes ont pour leur part assuré qu'elles ne feraient pas obstacle à l'acheminement du brut vers l'UE. "Du côté ukrainien, il n'existe aucune menace pour le transit du pétrole russe aux consommateurs européens", a déclaré Naftogaz dans un communiqué. "Même si les parties échouent à conclure leurs négociations d'ici à la fin de l'année (...) l'Ukraine n'arrêtera pas le transit", a renchéri un responsable de la présidence ukrainienne, Bogdan Sokolovski, selon Interfax.
"Toute la responsabilité pour le respect des engagements en matière de livraison du pétrole russe vers l'Europe (...) incombe à la partie russe", a ajouté dans un communiqué M. Sokolovski, qui a rencontré les ambassadeurs slovaque, tchèque et hongrois pour leur exposer la position ukrainienne.
La porte-parole du ministère russe de l'Energie, Irina Essipova, citée par les agences russes s'est pour sa part dite confiante dans la signature d'un accord russo-ukrainien "d'ici à la fin de l'année".
Si la Russie évoque le problème du prix, les Ukrainiens assurent qu'il a déjà été résolu. "L'Ukraine avait demandé d'augmenter les tarifs du transit" et finalement "un compromis satisfaisant les deux parties a été trouvé", selon M. Sokolovski.
Selon M. Zinkevitch, les négociations achoppent désormais sur le principe "prend ou paie" que Kiev souhaite introduire dans le contrat pour contraindre Moscou à payer pour un certain volume de transit, même si celui-ci s'avère inférieur au final à ce qui était convenu.
Cette mesure permettrait à Kiev de garantir le montant des recettes provenant du transport de brut alors que pour l'instant, selon M. Zinkevitch, les "volumes du pétrole que la Russie fait transiter via l'Ukraine laissent à désirer".
Le Premier ministre slovaque Robert Fico a indiqué que son pays disposait de "pétrole et de produits pétroliers pour plus de 94 jours", tandis que la République tchèque a des réserves pour plus de 90 jours, selon le vice-ministre tchèque de l'Industrie, Tomas Huener.
Début janvier, en plein hiver, un différend entre Kiev et Moscou sur le dossier du gaz avait entraîné une interruption de deux semaines des livraisons russes vers l'UE dont 80% transitent par l'Ukraine.