« Nous soulignons que le changement climatique est un des plus grands défis de notre temps ». Ainsi s’ouvre la déclaration politique rédigée le vendredi 18 décembre au soir, par 28 pays dont les Etats-Unis, la France, la Chine, l’Inde, le Brésil et l’Afrique du Sud. Mais sans la grande majorité des autres Chefs d’Etats, qui l’ont largement fait savoir dans la plénière suivant l’annonce de la déclaration. En effet, si le constat est clair, les remèdes proposés eux, sont loin d’être suffisants. La présidence suédoise de l’UE a d’ailleurs reconnu que l’accord « n’est pas de nature à répondre à la menace climatique ». Ce n’est pas une surprise. Après la réunion au sommet de quelques chefs d’Etats emmenés par la France et le Brésil le jeudi soir, la journée de vendredi s’est en effet déroulée dans la morosité, entre réunions bilatérales ou en petit comité mais toujours à huis-clos, et déclarations des chefs d’Etat, suivies avec fébrilité sur les écrans du Bella Center.
A la mi-journée, notamment après le discours très attendu –et décevant- de Barack Obama et alors que des brouillons du texte commençaient à filtrer, les députés verts et ONG ne se faisaient déjà plus d’illusions. « On va au mieux vers un texte très mauvais, au pire vers un texte exécrable », lâchait alors le député Europe Ecologie, Yannick Jadot, très remonté contre Barack Obama qui avait fait « un petit discours de petit chef d’Etat, soignant plus son Congrès que le climat… » Il aura ensuite fallu passer par d’exténuantes plénières où l’on pinaillait sur la procédure, puis de nouveau des réunions VIP avant d’aboutir à une déclaration dont on a l’impression qu’elle a été votée à la va-vite, pressée par quelques Chefs d’Etat influents, dont celui des Etats-Unis, soucieux de prendre leur avion au plus vite…
Une déclaration politique faible
Alors qu’y a-t-il dans cette déclaration politique « positive mais pas parfaite » selon Nicolas Sarkozy, voire tout simplement « imparfaite » selon l’aveu de Barack Obama. Peu de chiffres d’abord, quand on regarde attentivement le texte. S'il reconnait le constat scientifique selon lequel l’accroissement de la température globale ne devrait pas être supérieur à 2 degrés, l’objectif est très éloigné de ce que demandaient les pays les plus vulnérables, emmenés par Tuvalu, et qui réclamaient une augmentation contenue à 1,5°C. Surtout, si l’on prend en compte les engagements de réduction des différents pays, la température devrait plutôt s’élever de 3 degrés selon les experts…Il faudra de toute façon attendre le 1er février 2010 pour que les pays développés donnent leurs engagements définitifs de réduction d’émissions pour 2020 ; et la même date pour que les pays en développement donnent leurs mesures d’atténuation. Du reste, le texte ne mentionne aucun objectif chiffré pour 2050, alors qu’il était au départ question de -50%...
En attendant, pour garantir la mise en œuvre de ces objectifs et sa transparence, il est bien question du très délicat « système de mesures, rapports et vérifications (MRV) » mais de façon ambigüe : car si les pays en développement doivent bien rendre compte de leurs actions à la conférence des parties tous les deux ans, le texte garantit que la « souveraineté nationale sera respectée ». Une demande expresse des pays en développement mais qui pourrait affaiblir ledit contrôle.
Dans les moyens mis en œuvre pour réduire les émissions de GES, le rôle des forêts, qui était au centre des négociations (voir article lié), est effectivement reconnu comme « crucial ». Les mécanismes permettant de réduire la déforestation tels que Redd + devront donc être mis en œuvre immédiatement. Les pays développés devront pour cela abonder les fonds publics avec des « investissements nouveaux et additionnels », en évitant donc de recycler l’aide internationale déjà promise. Ceux-ci sont chiffrés à 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 avec « des allocations équilibrées entre adaptation et atténuation, incluant la foresterie et de nouveaux et additionnels investissements au travers d’institutions internationales » destinées en priorité aux pays les plus vulnérables. S’ajoutera un fonds pour l’aide aux pays pauvres de 100 milliards de dollars par an alimenté, à partir de 2020, par des sources privées, publiques, bilatérales ou multilatérales. Sans trop de surprise, on ne note rien en revanche sur l’Organisation mondiale de l’ENVIRONNEMENT réclamée par la France.
Des deux côtés de la négociation
A la lecture de l’accord, les ONG sont atterrées. Les mots - « Fiasco, catastrophe, naufrage »-sont durs et définitifs, à la hauteur de leur espoir déçu …Selon elles, Copenhague serait en régression par rapport au précédent sommet de Bali en 2007, où l’on évoquait déjà le « risque du 3° ». Risque confirmé depuis hier par le secrétariat de la CNUCC qui évalue, compte tenu des « engagements » des différents pays, une augmentation de 3° d’ici 2020, au-delà donc du 2° recommandé par les experts du GIEC. La position américaine, comme à Bali, a donné le ton de l’accord final. Par ailleurs, l'UE ne dépassera pas l’objectif des moins 20% pour 2020. Elle avait en effet annoncé qu’elle irait jusqu’à moins 30% si des engagements ambitieux étaient pris à Copenhague... L’attitude européenne a scandalisé les ONG. « L’Europe n’a pas pris le leadership, elle aurait pu arriver en mettant l’objectif des moins 30% sur la table pour mettre la pression et peut-être avoir un effet de levier », constatait Sandrine Mathy du RAC alors que les négociations s’enlisaient.
Pour Greenpeace, il s’agit du « pire accord possible ». « L’Europe paralysée a laissé les États-Unis flinguer la conférence. À aucun moment elle n’est sortie du bois. Elle en est restée au stade des discours, de même que la France, incapable de montrer l’exemple en améliorant son objectif de réduction de ses émissions ou en chiffrant le montant du soutien financier destinés aux pays en développement ». L’accord, qui a été contesté par les petits pays du sud et les états insulaires est synonyme « de mort pour de nombreux États insulaires », déclarent les Amis de la Terre. « Ce seront également des millions de déplacés environnementaux supplémentaires du fait des sécheresses, de la montée des eaux et des événements climatiques extrêmes de plus en plus fréquents comme les ouragans ou les inondations. »
Du côté de l’ONU, le secrétaire général Banki Moon se montre évidemment plus nuancé et vient parler de « bonne nouvelle » aux journalistes présents le samedi matin. « C’est un début. Un début essentiel », déclare-t-il insistant sur la « complexité et la difficulté du processus ». Un processus, il est vrai inédit, où les Chefs d’Etats habituellement « simples » signataires des accords déjà rédigés, se sont cette fois mués en véritables négociateurs, souligne un représentant de la CNUCC en relatant les coulisses des négociations de la dernière journée. Il aura également fallu toute la patience et la diplomatie de Banki Moon, lui aussi pour la première fois dans un rôle de « bons offices », pour convaincre les pays les plus réticents à reconnaître l’accord, dans de multiples va-et-viens…
Reste à savoir quand cette déclaration, acceptée par la Conférence des parties mais pas encore signée par tous les pays qui devront maintenant manifester leur accord ou désaccord- certains ont déjà annoncé leur refus- prendra une tournure juridiquement contraignante. Samedi matin, Banki Moon se montrait pragmatique sinon rassurant : « nous ferons notre possible pour que cela le devienne en 2010 ». Difficile de faire plus vague.