A un mois de sa fermeture, le guichet spécial créé par la France est loin d'avoir incité tous les évadés fiscaux à rapatrier leur argent, mais des menaces de contrôles accrus et une lutte contre la fraude renforcée ont incité un millier de repentis à régulariser leur situation.
Mise en place en avril pour permettre aux détenteurs d'avoirs clandestins à l'étranger de négocier des pénalités avantageuses en vue de leur rapatriement, "la cellule de régularisation fermera comme prévu le 31 décembre", a confirmé mardi le cabinet du ministre français du Budget, Eric Woerth.
Sur un total de 2.500 à 3.000 contribuables qui ont contacté la cellule, "on a 1.000 dossiers régularisés ou en cours de régularisation", a ajouté Bercy, qui s'attend à un rush final d'envergure.
De fait, selon les avocats fiscalistes interrogés par l'AFP, l'afflux de clients intéressés a grimpé à l'approche de l'échéance. "Nous avons encore énormément de dossiers en cours de constitution", assure ainsi un grand cabinet d'avocats.
Les profils sont variés, mais avec une dominante, explique Denis di Leonardo, du cabinet Simon Associés: "la tranche des 50-70 ans, des gens qui n'ont pas forcément besoin de cet argent mais qui veulent régulariser la situation avant de le transmettre à leurs enfants".
Les avocats affirment que dans leur grande majorité, il s'agit de fraudeurs "passifs", qui ont hérité de ces fonds à l'étranger ou qui ont constitué leur pactole lorsqu'ils vivaient hors de France sans le déclarer à leur retour. Il y a toutefois aussi parmi les régularisés des fraudeurs "actifs", qui ont eux-mêmes alimenté leurs comptes bancaires cachés.
Difficile en revanche d'avoir une idée des montants concernés. "C'est assez substantiel, ça se chiffre en millions d'euros pour chaque dossier", dit Jean-Yves Mercier, du cabinet CMS Bureau Francis Lefebvre. "Il y a beaucoup de dossiers assez minimes, inférieurs au million", nuance Denis di Leonardo.
Le nombre de repentis reste dérisoire au regard des 200.000 à 300.000 Français qui seraient titulaires de comptes secrets en Suisse.
Mais par rapport aux débuts décevants de l'opération, le résultat s'annonce "plutôt significatif", estime le responsable du Syndicat national unifié des impôts (Snui) Vincent Drezet.
Fin août en effet, les évadés régularisés ne dépassaient guère une centaine.
C'est alors qu'une vraie accélération est intervenue. Soit exactement au moment où le gouvernement a renforcé la pression sur les fraudeurs, en annonçant détenir une liste de 3.000 détenteurs de comptes en Suisse.
Ce coup médiatique d'Eric Woerth a coïncidé avec des mesures législatives permettant des contrôles accrus, la création en cours d'un fichier de fraudeurs nommé "Evafisc", et surtout un contexte international défavorable aux paradis fiscaux, dont certains ont signé des conventions de coopération avec la France.
"La peur d'être pris a motivé plusieurs personnes à se présenter, reconnaît Jean-Yves Mercier. C'est de moins en moins sûr de détenir à l'étranger de l'argent qui en plus est stérile, car il ne peut pas être utilisé sans risques".
Pour Vincent Drezet, "la montée en puissance des régularisations est la preuve que les mesures dissuasives et contraignantes sont bien la solution face à la fraude". Pour tirer profit du nouvel arsenal répressif, son syndicat appelle maintenant de ses voeux la création d'un service judiciaire d'enquêtes fiscales, sorte de police du fisc censée traquer les fraudeurs qui seront passés, cette fois encore, à travers les mailles du filet.