Menacée par des sanctions internationales, la junte au pouvoir en Guinée vient de signer un accord de partenariat dans le secteur minier avec une société chinoise prévoyant des investissements de plus de 7 milliards de dollars (4,5 milliards d'euros).
Ces investissements, parmi les plus importants jamais réalisés en Afrique, interviennent au moment où les militaires putschistes sont soumis à des pressions internationales croissantes pour quitter le pouvoir, renforcées après le massacre de plus de 150 personnes le 28 septembre.
L'ultimatum de l'Union africaine (UA), qui demande à la junte de s'engager par écrit à ne pas présenter de candidat à l'élection présidentielle de janvier 2010, expire samedi et des sanctions pourraient être prises contre les militaires putschistes.
C'est donc dans une atmosphère des plus délétères que le contrat a été signé samedi à Conakry avec la China International Fund (CIF) et la Sonangol (compagnie pétrolière angolaise).
"Il y aura des investissements dans des projets d'infrastructures dans le pays, cela varie entre 7 et 9 milliards de dollars sur les 5 prochaines années, cela dépendra de la taille des projets", a indiqué jeudi à l'AFP le ministre guinéen des Mines Mahmoud Thiam, interrogé par téléphone depuis Dakar.
Pays pauvre d'Afrique de l'Ouest, la Guinée est le premier exportateur mondial de bauxite et détient plus de 40% des réserves mondiales de ce minerai servant à la fabrication de l'aluminium, ainsi que des gisements encore largement inexploités de fer, or, uranium et pétrole.
De son côté, la Chine a un besoin urgent de matières premières pour alimenter une croissance économique exponentielle. En 2008, le commerce entre Pékin et le continent africain a établi un nouveau record, en dépassant les 100 milliards de dollars.
"En contrepartie (des infrastructures), il (le fonds chinois) devient notre partenaire stratégique dans un projet de développement minier qui doit débuter par la création d'une société nationale minière guinéenne", où "les parts de l'Etat dans tous les projets miniers seront logés", a précisé le ministre.
"Les revenus dégagés par ces projets miniers serviront à payer les prêts (pour les infrastructures)", a-t-il ajouté.
Quant à Sonangol, la société "est un partenaire stratégique de CIF en Angola, ils seront plus concentrés sur l'aspect prospection et exploitation pétrolières", a souligné M. Thiam.
Mais pourquoi signer maintenant, en pleine crise?
"Cela fait cinq mois qu'on négocie, on a eu beaucoup de pressions de la part de nos partenaires pour signer car ils avaient déjà pris des engagements financiers (pour commencer la construction des infrastructures) sans avoir la protection d'un contrat", a reconnu le ministre.
"Ils ont insisté pour qu'on signe vite. L'événement regrettable du 28 septembre (la répression sanglante d'une manifestation pacifique de l'opposition, ayant fait plus de 150 morts, selon l'ONU, ndlr) est venu se superposer sur une transaction qui était déjà en négociation", selon lui.
"Nous sommes scandalisés par le soutien concret de la Chine à des gens soupçonnés de crimes contre l'humanité", a pour sa part déclaré à l'AFP le responsable de la rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme (Raddho), Alioune Tine.
"Ce n'est pas la première fois, c'était la même chose avec le Darfour (Soudan). La Chine soutient des régimes africains honnis par leur peuple. c'est en contradiction avec les idéaux de la révolution chinoise", a-t-il assuré.
De son côté, Pékin a défendu sa "coopération" avec la Guinée, qui est "basée sur l'égalité et le bénéfice mutuel".