La valeur du patrimoine des Français a baissé de 3% en 2008 et 2% en 2009, "du jamais vu depuis la Seconde Guerre mondiale", mais elle devrait se stabiliser en 2010, affirme lundi le Bureau d'information et de prévisions économiques (BIPE) dans un communiqué.
Cette baisse, que l'Insee avait déjà chiffrée en mars à 3% pour 2008, est susceptible d'engendrer des impacts négatifs, mais limités, sur la consommation des Français et les finances de l'Etat, selon des analystes interrogés par l'AFP.
Elle n'en est pas moins exceptionnelle: lors de la crise immobilière du début des années 1990, "le patrimoine global des ménages avait encore crû en France à des taux compris entre 2 ou 3% l'an", ce qui montre bien selon le BIPE "l'importance du choc de la crise mondiale".
En 2008, "la très forte baisse des marchés boursiers s'est conjuguée avec une diminution assez importante des prix des logements anciens pour faire reculer à la fois le patrimoine financier et le patrimoine non financier des Français", explique le BIPE.
En 2009, la reprise des marchés boursiers a partiellement compensé la baisse liée au recul de la valeur du patrimoine immobilier.
A aussi contribué à la baisse au cours de ces deux années, "la diminution très sensible du montant des nouveaux placements" sur ce patrimoine, elle-même liée à un moindre recours au crédit.
Ainsi les crédits nouveaux aux ménages pour l'habitat ont-ils plongé de 16% en 2008, dans un marché immobilier sinistré, note la société d'études économique et de conseil en stratégie.
Pour 2010, le Bureau prévoit que le patrimoine des Français se stabilise "un peu au-dessus de 10.000 milliards d'euros".
La poursuite du recul de la valeur du patrimoine non financier, lié au "tassement" des prix du logement ancien, sera compensée par la reprise boursière, et par un ressaisissement du recours au crédit.
Le patrimoine devrait recommencer à croître entre 2011 et 2014, mais "à un rythme bien inférieur à celui qui était observé avant la crise", pronostique le BIPE. Aux taux de croissance à deux chiffres des années 2003-2006 devraient succéder des taux inférieurs à 5%.
Le BIPE prévoit en effet "un taux d'épargne à la baisse en raison d'une croissance faible des revenus, un recours au crédit assez modeste (...) et des évolutions de prix (logements et marchés boursiers) qui restent elles-mêmes modérés".
Interrogé sur les conséquences économiques de la baisse, l'économiste Cyril Blesson estime qu'elles seront réelles mais limitées.
"Nous ne sommes pas en France dans un système de crédit basé sur la valeur du patrimoine, comme dans le système anglo-saxon. Cela-dit, le sentiment pour les gens que leur richesse diminue les incite à épargner", et donc à moins consommer, explique le directeur de la recherche économique du cabinet Seeds Finance.
L'impact sur les finances publiques sera aussi selon lui marginal. "L'impôt sur la fortune (ISF) représente de faibles ressources pour l'Etat, d'autant qu'elles sont limitées par le bouclier fiscal", dit-il.
Le nombre de déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune était en juillet en légère baisse de 1,6% sur un an, pour un montant total d'impôt déclaré de 3,13 milliards contre 3,75 mds un an plus tôt, selon un bilan provisoire publié en juillet par le ministère du Budget.
Nicolas Bouzou, directeur du cabinet Asterès, estime que la baisse du patrimoine est quoiqu'il en soit une "mauvaise affaire pour tout le monde". "L'impact sur la consommation est a priori limité, mais cela peut être la goutte d'eau qui fait déborder le vase au moment où tous les facteurs sont au rouge".