Un an et demi après la révélation de l'affaire, le parquet de Paris a requis jeudi le renvoi devant le tribunal correctionnel du trader Jérôme Kerviel, accusé par la Société générale d'être à l'origine d'une perte de 4,9 milliards d'euros pour la banque.
Le parquet a requis le renvoi du jeune homme de 32 ans pour "abus de confiance", "faux et usage de faux" et "introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé", des chefs passibles de cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende.
Le parquet a également requis le renvoi de l'assistant trader Thomas Mougard, 25 ans, pour "complicité d'introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé".
Ce réquisitoire correspond exactement aux chefs pour lesquels Jérôme Kerviel a été mis en examen le 28 janvier 2008 et Thomas Mougard le 1er août. Lors de la mise en examen du trader, le parquet avait également requis des poursuites pour le chef d'"escroquerie", sans être suivi par les juges.
Il revient maintenant aux juges d'instruction Renaud van Ruymbeke et Françoise Desset de décider, dans un délai minimal d'un mois, de renvoyer les deux hommes devant le tribunal correctionnel ou de décider d'un non-lieu.
"Je constate que le parquet est aussi aveugle que la Société générale qui affirme n'avoir pas détecté des opérations réalisées sous le code informatique +jkerviel+", a réagi l'avocat du trader, Me Olivier Metzner, pour qui ces réquisitions "ne sont pas une surprise". L'avocat de Kerviel devrait déposer une note destinée aux juges dans les semaines qui viennent.
Jérôme Kerviel est accusé d'avoir dissimulé à la Société générale des prises de position qui ont atteint 50 milliards d'euros sur les marchés et entraîné une perte de 4,9 milliards d'euros pour la banque. Son assistant est soupçonné d'avoir passé en connaissance de cause des ordres irréguliers.
Lorsque la fraude, découverte le 18 janvier 2008 par la SocGen, a été annoncée le 24 à la presse, elle a provoqué un séisme sur les places financières internationales où l'on s'est interrogé sur la vulnérabilité du système bancaire et du marché. Elle apparaissait alors comme une perte record dans l'histoire de la finance, surpassée ensuite par l'affaire Madoff.
Qualifié dans un premier temps de "terroriste" par le patron de la SocGen Daniel Bouton, Jérôme Kerviel avait immédiatement reconnu sa part de responsabilité.
Mais il disait ne pas vouloir être "le bouc émissaire", affirmant que la banque ne pouvait ignorer ses activités.
Changeant d'avocats, le trader aujourd'hui reconverti en consultant informatique en région parisienne a adopté ensuite une stratégie plus offensive suggérant une implication pénale d'autres salariés de la banque, mais sans être suivi par les juges.
Peu après la clôture de l'enquête fin janvier, il a à nouveau changé de défenseur, optant pour Me Olivier Metzner.
Selon lui, "la banque n'a pu ignorer la globalité des engagements réels de Jérôme Kerviel". Or si elle avait connaissance de ses agissements, le trader ne peut avoir commis d'abus de confiance au préjudice de la banque, a-t-il soutenu.
Pour les magistrats, le trader a fait preuve "d'ingéniosité" pour profiter de défauts de contrôle de la banque, pointés par plusieurs rapports dont celui de la commission bancaire.
Cet organisme de tutelle des banques a d'ailleurs condamné la SocGen à 4 millions d'euros pour les "carences graves" de son système de contrôle interne. Plusieurs salariés de la banque ont également été licenciés.