La France peine à convaincre l'Europe d'avoir avec la crise une lecture plus souple du Pacte de stabilité, ses partenaires cherchant au contraire à mettre sans tarder le cap sur la réduction des déficits qui ont explosé du fait des plans de relance.
"Je souhaite qu'on puisse (...) bien distinguer entre le déficit structurel, sur lequel on a des engagements de réduction qui s'inscrivent dans des programmes de stabilisation, et le déficit de crise", a insisté mardi la ministre française des Finances Christine Lagarde, tout en soulignant ne pas vouloir "toucher" au Pacte de stabilité.
Face à la flambée des déficits des pays européens, Mme Lagarde plaide pour une "analyse spécifique" de ceux qui résultent de la crise, suggérant qu'ils puissent être comptabilisés de manière séparée.
Mais ses homologues européens, réunis lundi et mardi à Luxembourg, se sont montrés fort peu enthousiastes.
Accepter tout assouplissement du Pacte conduirait à "ouvrir la porte à des malentendus ou même des abus", a souligné mardi le ministre des Finances allemand Peer Steinbrück.
"Ce n'est pas une question existentielle dans les relations franco-allemandes", a-t-il cependant relativisé.
Lundi, ce sont les ministres des Finances de la zone euro qui ont rejeté l'idée d'une lecture plus souple des règles européennes.
"Nous avons tous convenu que le Commissaire (européen aux Affaires économiques Joaquin Almunia) doit être le gardien du Pacte de stabilité et de croissance et qu'il doit lancer les nécessaires procédures pour déficit excessif sur la base du déficit global", et non en distinguant celui qui est lié à la conjoncture, a déclaré la ministre espagnole des Finances Elena Salgado.
Le Pacte de stabilité européen, qui encadre les politiques budgétaires des pays de l'UE, oblige les Etats à maintenir leur déficit public annuel sous la barre de 3% du Produit intérieur brut (PIB), sous peine de sanctions pour les pays de la zone euro.
Mais la crise économique, en réduisant les rentrées fiscales et en augmentant les dépenses des Etats pour des plans de relance ou les allocations chômage, a fait plonger dans le rouge les comptes publics.
La Commission prévoit que sur les 16 Etats membres de la zone euro, 13 devraient dépasser l'an prochain la limite.
Des procédures pour déficit excessif ont déjà été lancées fin avril contre quatre pays dont la France et l'Espagne, et d'autres pays devraient suivre dans les prochains mois, d'où la proposition de Mme Lagarde.
Mais la suggestion française d'assouplir la lecture du Pacte intervient un peu à contre-courant, car la plupart des pays européens insistent à présent sur la nécessité d'adopter rapidement une stratégie de réduction des déficits, alors que les premiers signes d'une reprise économique se font sentir.
"Il y a un besoin clair d'une stratégie de sortie (de crise) fiable et crédible", souligne un document examiné par les ministres des Finances mardi, qui devrait être validé par les dirigeants européens lors d'un sommet les 18 et 19 juin.
"Nous considérons qu'au cours du deuxième et troisième trimestres de 2010 nos économies commenceront en moyenne à afficher une croissance", a souligné M. Almunia. "C'est le moment de commencer à mettre en oeuvre une stratégie de sortie" des déficits, a-t-il ajouté.
Le Premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt, qui présidera l'UE à partir de juillet, a également souligné mardi à Bruxelles que le besoin de réduire les déficits et la dette "sera plus central maintenant qu'il l'a été pendant les six derniers mois".