Le Kurdistan irakien a commencé lundi à exporter du pétrole pour la première fois de son histoire, dans un climat d'hostilité avec Bagdad qui nie à sa province du nord le droit de signer des contrats sans son aval.
Désormais, avec l'entrée en exploitation de deux champs pétroliers, 90.000 barils seront acheminés quotidiennement vers l'oléoduc reliant Kirkouk au port turc de Ceyhan.
Réunis lors d'une cérémonie grandiose à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, le président irakien Jalal Talabani et le président de la région autonome Massoud Barzani ont symboliquement actionné une valve coulissante pour lancer les exportations de pétrole de deux gisements du nord de l'Irak.
Des écrans retransmettaient en direct des images d'ingénieurs lançant à leur tour les exportations de pétrole.
Mais ni le Premier ministre Nouri al-Maliki, ni aucun membre du gouvernement central n'était présent à Erbil, illustrant la tension entre Bagdad et la région autonome.
"Ces contrats signés par le gouvernent régional du Kurdistan sont constitutionnels et légaux et conforme à la loi", a souligné M. Talabani, membre de la communauté kurde. "Ils sont dans l'intérêt du peuple irakien. Nous aimons tous le peuple irakien et les Kurdes sont une part importante de ce peuple. Nous avons beaucoup sacrifié pour libérer l'Irak de la dictature", a-t-il ajouté.
"C'est une journée historique et un pas de géant. Nous sommes fiers de ce succès. Ce résultat sert les intérêts de tous les Irakiens et particulièrement ceux des Kurdes", a affirmé M. Barzani.
Bagdad refuse de reconnaître les contrats pétroliers conclus par le Kurdistan avec des sociétés étrangères et veut des contrats de service, rémunérant les compagnies pétrolières au baril extrait plutôt que par un partage des bénéfices tirés de l'exploitation des ressources.
"Par l'impéritie du ministère du Pétrole, l'Irak a eu un manque à gagner de 10 milliards de dollars", a critiqué le ministre des Ressources naturelles du Kurdistan, Ashti Hawrami.
"Nous avons signé 30 contrats alors qu'il (le ministère) nous assurait qu'aucune compagnie ne nous aiderait à exploiter notre pétrole", a-t-il dit.
En outre, selon lui, l'investissement à Taq Taq s'est monté à 500 millions de dollars pour une capacité maximale de 180.000 baril/jour (bj) alors qu'au champ pétrolier d'Al-Adhab (sud), le gouvernement irakien a déboursé 2 milliards de dollars pour une capacité de 100.000 bj.
La Chine et l'Irak avaient signé le 12 novembre un contrat de 3 milliards de dollars pour l'exploitation par deux compagnies chinoises d'Al-Adhab, au sud-est de Bagdad.
Le contrat permet à la CNPC, premier producteur de pétrole chinois, et à Zhenhua Oil de travailler sur ce champ pendant 23 ans.
Le gisement de Tak Tak va fournir au début 40.000 bj, tandis que celui de Tawke va exporter 50.000 bj.
Pour Tak Tak, un petit oléoduc de 9 km a ainsi été construit pour acheminer du pétrole du gisement vers une station de stockage. De là, des camions transporteront le pétrole sur 75 km jusqu'à l'oléoduc principal Kirkouk-Ceyhan.
"Des efforts sont réalisés pour atteindre 60.000 barils exportés par jour d'ici la fin de l'année", avait indiqué dimanche à l'AFP Mohammad Okotane, le directeur du projet Tak Tak pour la société turque Genel Enerji.
L'objectif à trois ans est de "120.000 barils", avait-il souligné.
Le gisement est opéré par les Turcs de Genel Enerji et les Canadiens d'Addax d'un côté, le gouvernement kurde irakien de l'autre.
Turcs et Canadiens se partageront 12% des revenus tirés de l'exportation du pétrole. Les 88% restant échoient au gouvernement central après avoir transité par le gouvernement kurde irakien.
Le second gisement, celui de Tawke, près de Dohouk, aura une capacité d'exportation plus importante avec 50.000 bj, selon Jon Sergent, le directeur des opérations de l'entreprise norvégienne DNO.