Le président d'Air France-KLM, Jean-Cyril Spinetta, va présider le conseil de surveillance d'Areva, un poste où il aura la charge de piloter, au côté d'Anne Lauvergeon, omniprésente numéro un du groupe nucléaire français, son développement et son éventuelle réorganisation.
La démission surprise fin mars de Frédéric Lemoine, parti prendre la tête de la société d'investissement Wendel, a obligé Areva à trouver rapidement un successeur, à un moment où le groupe est à une phase cruciale de son développement.
Jean-Cyril Spinetta a été nommé jeudi à la présidence du conseil, l'emportant sur d'autres anciens patrons régulièrement cités comme l'ancien ministre et patron d'Usinor, Francis Mer, ou l'ancien patron de PSA Peugeot-Citroën, Jean-Martin Folz.
M. Spinetta ne quitte pas pour autant le transport aérien. Devenu PDG d'Air France en 1997, puis du groupe fusionné Air France-KLM, Spinetta a laissé en janvier la direction générale de la compagnie à Pierre-Henri Gourgeon, mais reste président de son conseil d'administration.
L'Etat a aussi été à contre-courant des attentes, en choisissant un ancien haut-fonctionnaire marqué à gauche. Jean-Cyril Spinetta a été directeur de cabinet de Michel Delebarre au ministère du Travail entre 1984 et 1986, puis au ministère des Transports de 1988 à 1990.
Sollicité, Bercy n'avait pas fait de commentaires sur cette nomination jeudi en début d'après-midi.
A la tête du conseil de surveillance d'Areva, M. Spinetta sera chargé de contrôler la gestion et de valider la stratégie du groupe, à une période délicate pour le groupe.
Areva est en effet à la recherche de 3 milliards d'euros pour financer ses projets dans l'enrichissement nucléaire et les réacteurs, avec en tête la nouvelle génération EPR.
En outre, Areva a été lâché par son partenaire allemand Siemens qui a décidé de vendre sa participation dans leur filiale commune de réacteurs, Areva NP. Le français pourrait devoir débourser quelque 2 milliards d'euros pour la racheter.
Le nouveau tandem devra négocier avec son actionnaire principal, l'Etat, les moyens de financer ses ambitions, Mme Lauvergeon plaidant depuis des mois pour une augmentation de capital.
"Nous sommes dans l'expectative, pour l'instant, nous ne savons pas quelle feuille de route" a donné l'Etat à M. Spinetta, a commenté Guy Bruno, délégué syndical de CFE-CGC, qui attend surtout "une décision rapide sur les moyens de financement" du groupe.
Jean-Cyril Spinetta va aussi devoir trouver ses marques avec la très médiatique Anne Lauvergeon.
En interne, on estime que ce choix "fait sens". Patron réputé à poigne, Spinetta jouit d'une grande légitimité industrielle, prompte à plaire à la présidente d'Areva.
Sa personnalité affirmée semble se démarquer de celle de son prédécesseur, qui entretenait des relations difficiles et avait assez peu d'échanges avec la patronne d'Areva.
De plus, Jean-Cyril Spinetta n'est pas un inconnu pour Anne Lauvergeon: ils se sont connus à l'Elysée au début des années 1990, quand ils étaient tous les deux conseillers de François Mitterrand.
Et ils sont encore tous les deux membres du conseil d'administration de GDF Suez.
Autre point en sa faveur, l'Etat n'a pas opté pour un fervent défenseur d'un rapprochement entre Areva et Alstom, un scénario sans cesse préconisé par le groupe industriel et toujours fermement réprouvée par Anne Lauvergeon.