L'Etat allemand a entamé la nationalisation de la banque immobilière en faillite Hypo Real Estate (HRE), symbole de la crise financière en Allemagne, en s'emparant de 8,7% des parts de l'établissement avant l'expropriation prévue des autres actionnaires.
HRE, l'une des plus grandes banques du pays, a annoncé samedi soir que l'Etat avait acquis 20 millions d'actions pour 60 millions d'euros. Dans la foulée, elle a annoncé une perte abysalle de 5,46 milliards d'euros pour 2008. En 2007, l'établissement basé à Munich (sud) faisait encore des bénéfices.
Dimanche, le patron de HRE, Axel Wieandt, s'est félicité de la décision du gouvernement d'Angela Merkel, affirmant que c'était "une bonne nouvelle" en vue du sauvetage de la banque.
"La stabilisation et le sauvetage de HRE doivent réussir, c'est dans l'intérêt de tous", a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse téléphonique, tout en prévenant que les comptes resteraient dans le rouge "au moins pour les deux prochaines années".
L'annonce de ce début de nationalisation ne constitue pas une surprise dans la mesure où Berlin avait fait part à plusieurs reprises de ses intentions.
Mme Merkel veut en effet à tout prix éviter un "Lehman Brothers à l'allemande": la chute de HRE, ancienne valeur du DAX, l'indice vedette de la Bourse de Francfort, déstabiliserait tout le système financier et provoquerait sans doute un mouvement de panique chez les petits porteurs.
Dimanche soir, le ministre de l'Economie Karl-Theodore zu Guttenberg a même déclaré sur le chaîne publique ZDF que "si nous n'avions pas sauvé HRE maintenant, il y aurait eu des conséquences encore pires" que celles liées à la faillite de la banque américaine Lehman Brothers.
Vendredi, l'américain JC Flowers, principal actionnaire de HRE avec 24% des parts et en désaccord évident avec les projets gouvernementaux, s'était retiré du conseil de surveillance, laissant augurer une annonce de Berlin imminente.
L'Etat va maintenant procéder à une prise de contrôle totale, qui devrait passer par une expropriation des autres actionnaires, un projet controversé dans un pays traumatisé par les saisies de biens par les nazis puis les collectivisations dans la RDA communiste.
Le Bundesrat, chambre haute du parlement, doit examiner le 3 avril un projet de loi taillé sur mesure pour HRE, prévoyant d'évincer les autres actionnaires en échange d'une indemnisation à hauteur de la valeur boursière du titre.
Les députés de la chambre basse ont déjà adopté le texte le 20 mars.
Le ministre de l'Economie, toujours sur la chaîne ZDF, a toutefois une nouvelle fois assuré qu'il s'agissait du "tout dernier recours", mais qui ne pouvait "pas être totalement écarté".
Pour assurer la survie de la banque, Berlin lui a déjà accordé un vaste soutien de quelque 100 milliards d'euros, dont 52 milliards de garanties via un fonds fédéral d'aide au secteur bancaire (Soffin), créé en octobre.
Quatrième établissement privé allemand par son total de bilan de 400 milliards d'euros, HRE s'est retrouvé dans la tourmente à l'automne dernier avec le dépôt de bilan du géant américain Lehman Brothers, où elle avait des intérêts, et la débâcle de Depfa, sa filiale de droit irlandais.
Son dirigeant d'alors avait démissionné et le monde politique avait tiré à boulets rouges sur les responsables de HRE accusés de manquer à leurs responsabilités.
La banque est spécialisée dans le financement d'opérations prestigieuses comme la construction d'aéroports ou de grands hôtels. Elle a également été étroitement liée à l'édification du pont le plus haut du monde, le viaduc de Millau en France.
Elle est également très active sur le marché du "pfandbrief", un titre très sécurisé et très prestigieux qui contribue à la bonne réputation de la place financière allemande. Sa chute risquerait donc d'écorner sérieusement l'image de l'Allemagne.
Outre HRE, l'Etat s'apprête à nationaliser la banque en difficultés Commerzbank, dont elle a déjà pris 25% des parts.