UBS, dont les pertes 2008 s'annoncent abyssales, s'apprête à verser malgré tout des bonus à ses salariés, provoquant l'ire d'une partie de la classe politique qui estime que l'établissement détourne l'argent du plan de sauvetage octroyé par la Confédération helvétique.
Alors que les principales banques françaises ont cédé à l'injonction du président Nicolas Sarkozy de renoncer à leurs bonus, l'autorité suisse de surveillance des marchés financiers (Finma) a confirmé lundi qu'UBS versera à ses salariés un bonus au titre de l'exercice 2008.
Le gendarme suisse du secteur financier a "donné son accord la semaine dernière" au versement de ces rétributions à l'ensemble des salariés d'UBS, a indiqué à l'AFP un porte-parole de la Finma.
"Nous avons mené des discussions intensives et avons procédé à une réduction massive et substantielle" des bonus que la banque suisse compte verser.
Selon la presse dominicale helvétique, 2 milliards de francs suisses (1,3 milliard d'euros) doivent être distribués, au lieu des 3 milliards initialement envisagées par la banque.
Le porte-parole a refusé de confirmer ce montant, indiquant qu'UBS divulguera le détail concernant la rémunération variable lors de la présentation de ses résultats annuels le 10 février.
La banque, qui avait distribué 12,1 milliards à ses salariés pour 2007, a précisé que les coupes dans les bonus affecteront d'avantage les cadres supérieurs, selon un porte-parole.
Cet accord entre la Finma et UBS a fait vivement réagir les partis de gauche, qui critiquent l'octroi de bonus alors que la Confédération a volé au secours du géant bancaire l'automne dernier en lui accordant une aide sans précédent de 60 milliards de dollars.
"L'arrogance des banquiers ne connaît pas de limite", s'est étranglé le parti socialiste suisse, qui demande la démission du président de la Finma, Eugen Haltiner. "Il est incompréhensible que la (...) Finma puisse approuver une telle demande", se sont étonnés les socialistes.
Les Verts jugent quant à eux l'octroi de bonus "de mauvais goût". Le parti majoritaire, l'Union démocratique du centre (UDC, droite populiste), a seulement indiqué "avoir pris note".
Même si son ex-président honni, Marcel Ospel, et plusieurs ex-membres du conseil d'administration d'UBS ont renoncé à 33 millions d'indemnités, la banque peine à polir son image.
Fait rarissime, le siège d'UBS a été vandalisé courant janvier à coup de jets de peinture et de pneus incendiés.
Et la banque n'a pas fini de creuser son impopularité. Elle devrait annoncer une perte de 20 milliards pour 2008, soit la plus importante jamais enregistrée dans la Confédération, selon la presse.
UBS va par ailleurs procéder à des réductions de postes supplémentaires dans son unité banque d'affaires, alors qu'elle a déjà réduit ses effectifs de 9.000 postes depuis juin 2007.
L'établissement, qui avait repris des couleurs au troisième trimestre avec un bénéfice de 296 millions de francs suisses après un an dans le rouge, devrait subir au seul quatrième trimestre une perte de 8 milliards de francs suisses (5,3 milliards d'euros), selon les analystes.
L'institution bancaire a été l'une des plus exposées au monde aux crédits hypothécaires à risque américains, l'obligeant à procéder à un montant record de dépréciations d'actifs de 46,9 milliards de dollars en 2008. Elle s'est retrouvée confrontée à une crise de confiance de ses clients qui lui ont retiré durant l'automne 83,6 milliards de francs suisses.
Considérée comme au bord du gouffre, elle a bénéficié d'un plan de sauvetage historique des autorités suisses, qui ont débloqué 60 milliards de dollars pour voler à son secours en octobre.
Mais ce plan n'a pas suffi et le titre de la banque, également impliquée dans l'affaire Madoff et exposée à la faillite de la filiale américaine du groupe néerlandais LyondellBasell, a été divisé par trois au cours de l'année.