
Le constructeur naval militaire DCNS s'est doté mercredi d'un nouveau PDG, l'ancien dirigeant des Chantiers de l'Atlantique Patrick Boissier, une nomination qui pourrait confirmer la volonté du gouvernement de rapprocher chantiers civils et militaires.
Le groupe public a annoncé sans surprise qu'il proposait M. Boissier comme président du conseil d'administration au président de la République, qui le nommera ensuite formellement par décret. En attendant, il est délégué dans les fonctions de PDG.
Les candidatures du numéro deux de DCNS Bernard Planchais et de l'ancien responsable des activités navales de Thales Jean-Georges Malcor ont ainsi été écartées.
Le nouveau PDG remplace Jean-Marie Poimboeuf, atteint vendredi par la limite d'âge de 65 ans. Ce dernier était arrivé en janvier 2000 à la tête de la Direction des construction navales (DCN) du ministère de la Défense.
Devenue DCNS, une société de droit privée dont le capital est détenu à 25% par le groupe d'électronique Thales, l'entreprise essaie aujourd'hui de moins dépendre des commandes militaires françaises en ces temps de budget de la défense limités.
Les axes de développement du groupe sont l'exportation et de nouvelles activités comme l'énergie et les services, avait récemment indiqué la direction. Jean-Marie Poimboeuf quitte le groupe sur un succès majeur, avec une importante commande de sous-marins par le Brésil annoncée en décembre, et un carnet de commandes de 8 milliards d'euros.
Les syndicats s'interrogent désormais sur les orientations du nouveau PDG: "l'urgence" est de "connaître le contenu de la feuille de route du futur patron. Quid des orientations stratégiques? Quid du devenir des 13.000 personnels de DCNS?", demande la CFDT.
Le choix de Patrick Boissier, qui a dirigé pendant près de dix ans les Chantiers de l'Atlantique (aujourd'hui nommés STX France après être passés sous contrôle coréen) est vu par certains comme le signe de la volonté du gouvernement de rapprocher chantiers civils et militaires.
Le président Nicolas Sarkozy avait évoqué lors d'un discours à Saint-Nazaire en septembre un rapprochement entre les ex-Chantiers de l'Atlantique et DCNS. "Est-ce que, durablement, on peut rester avec un chantier qui construit du civil et un chantier qui construit du militaire, c'est un vrai sujet" et "il faut qu'on y réfléchisse", avait-il déclaré.
Mais l'idée laisse certains experts sceptiques. "Je ne vois pas bien l'intérêt de la fusion et je ne peux pas lire la nomination de M. Boissier autrement que comme l'idée d'avancer dans ce sens", commente Jean-Paul Hebert, universitaire spécialiste de l'industrie de défense. Cette hypothèse "ne repose pas sur une analyse des marchés et des synergies possibles, parce que ce n'est pas la même chose de faire un paquebot de luxe et de faire un sous-marin", souligne-t-il.
Patrick Boissier a pour sa part souligné mercredi qu'il prenait la tête du groupe "sans aucune idée préconçue quant à sa stratégie et à ses principaux enjeux".
Parmi les dossiers du nouveau PDG figurera aussi le choix d'un partenaire industriel en Europe. Dans un entretien-bilan dans la Tribune mardi, M. Poimboeuf regrettait que la consolidation européenne du secteur n'ait "pas avancé d'un pouce".
Thales, qui devrait monter à 35% de DCNS, a récemment fait savoir qu'il était "ouvert" à un rapprochement entre le chantier militaire français et l'allemand ThyssenKrupp Marine Systems (TKMS). Un scénario que Paris aurait souhaité relancer récemment.