Après une décennie de prospérité, la Russie s'attend pour la première fois en 2009 à un déficit budgétaire en raison de la crise financière mondiale et la dégringolade des cours du pétrole qui provoquent aussi une montée du mécontentement social.
Interrogé sur la perspective d'un budget dans le rouge l'an prochain, le conseiller économique du Kremlin, Arkadi Dvorkovitch, a été catégorique: "Il y en aura un, évidemment. Le déficit est provoqué par la baisse du prix du pétrole", a-t-il dit, cité par l'agence Ria Novosti.
Cette annonce est intervenue à quelques heures d'une interview télévisée dans la soirée du président russe, Dmitri Medvedev, qui devait revenir sur les principaux événements de l'année et préparer l'opinion à des semaines à venir difficiles.
Le budget voté pour 2009 prévoit des recettes de 9.025 milliards de roubles, contre des dépenses de 10.927 milliards de roubles, soit un trou de 1.900 milliards (48 milliards d'euros au cours actuel) après des années d'excédent.
A titre de comparaison, l'excédent avait atteint 1.780 milliards de roubles (alors 50 milliards d'euros environ) en 2007, soit 5,5% du Produit intérieur brut (PIB).
M. Dvorkovitch a affirmé que le déficit attendu serait "compensé en puisant dans le Fonds de réserve accumulé au cours des dernières années" pour protéger l'économie d'une éventuelle chute des cours du pétrole, dont la Russie est un des premiers producteurs mondiaux.
Une hypothèse partagée par le directeur de l'Ecole russe d'économie, Sergueï Gouriev: "On peut imaginer une situation dans laquelle le Fonds de réserve sera suffisant pour couvrir ce déficit, bien que ce ne soit pas indispensable", a-t-il dit en évoquant un éventuel recours à l'emprunt.
Le conseiller du Kremlin n'a pas exclu que la Russie soit contrainte d'emprunter sur les marchés financiers internationaux, écartant toutefois l'hypothèse d'un recours à des organisations de type du Fond monétaire international (FMI).
La perspective d'un déficit budgétaire était encore impensable il y a quelques mois, dans un pays qui a enregistré au cours des neuf premiers mois de l'année un taux de croissance de 7,3% par rapport à la même période de 2007.
La Russie a été sévèrement affectée par la crise financière depuis l'automne, mais ses effets devraient se refléter seulement dans les chiffres du 4e trimestre 2008 et ceux de l'an prochain, selon les économistes.
Ainsi, la Russie s'attend en 2009 à un million de chômeurs supplémentaires (7,4% de la population active contre 6,3% actuellement), alors que des manifestations se sont multipliées ces dernières semaines contre des augmentations de taxes sur les voitures importées et des craintes de pertes d'emplois.
Le budget 2009 a été calculé sur la base d'un prix du baril de pétrole à 95 dollars, très au-dessus des cours actuels, de l'ordre de 40 dollars.
Au moment de l'entériner, le ministre des Finances, Alexandre Koudrine, avait déjà prévenu que de sérieuses corrections seraient nécessaires en raison de la chute des cours de l'or noir.
D'autant plus que la production industrielle russe s'est fortement contractée en novembre (-8,7%), attisant les craintes de voir le pays glisser dans la récession, alors que Moscou table sur une croissance du PIB jusqu'à 3% l'an prochain.
De plus en plus d'économistes estiment au contraire que la croissance russe pourrait être négative sur l'ensemble de l'année 2009, ce qui serait une première depuis la crise financière de 1998.
Outre la dégringolade des cours du pétrole, l'économie pâtit aussi des incertitudes autour du rouble que la Banque centrale de Russie a laissé vendredi se dévaluer légèrement pour la dixième fois depuis le 11 novembre.
Conséquence de ces situations conjuguées : le déficit budgétaire de la Russie pourrait atteindre l'an prochain 5% du PIB, voire davantage, a indiqué une source gouvernementale au quotidien des affaires russe Vedomosti de vendredi.