Des désaccords persistants sur trois sujets clés des négociations sur la libéralisation du commerce mondial jettent un voile sur la possibilité d'un accord chiffré d'ici la fin de l'année à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), malgré la forte pression internationale.
Le directeur de l'OMC, Pascal Lamy, a reconnu lundi qu'il n'était pas en mesure de convier dès cette semaine, comme il l'avait prévu, les ministres des principaux pays membres de l'organisation pour trouver une issue au cycle de Doha qui patine depuis sept ans.
Prenant acte des dissensions qui perdurent sur les modalités d'ouverture des marchés mondiaux, il a préféré suspendre l'échéance d'une ministérielle, désormais envisagée du 17 au 19 décembre, à de nouvelles consultations.
Le Français se veut prudent, conscient qu'un nouvel échec des négociations moins de six mois après le désastre de la ministérielle de juillet pourrait avoir des conséquences déplorables pour la crédibilité de son institution comme sur le plan international dans un contexte de crise économique.
Ce qui ne signifie pas, selon les observateurs, qu'il ne fera pas tout son possible pour arracher un accord aux négociateurs, s'appuyant sur l'impulsion politique donnée mi-novembre par l'appel des 20 plus grandes puissances économiques à conclure le laborieux cycle d'ici la fin de l'année.
Mais les obstacles restent de taille, reconnaissaient mardi plusieurs diplomates interrogés par l'AFP, soulignant que le "sentiment n'était plus à l'optimisme".
Trois points de discordes ont été clairement identifiés, impliquant les trois même pays: l'Inde, la Chine et surtout les Etats-Unis, considérés par beaucoup comme le principal frein à un accord.
Le premier point, l'initiative sectorielle, qui porte sur l'élimination à terme des droits de douane sur 14 produits industriels sur une base volontaire, apparaît comme le plus problématique, Washington exigeant désormais, selon des sources diplomatiques, un engagement ferme des grands exportateurs tels que l'Inde et la Chine.
Deuxième point douloureux, le vieux contentieux sur le coton entre les Etats-Unis, qui subventionnent fortement le secteur, et les producteurs africains. Le sujet n'a même pas été abordé il y a cinq mois et Washington n'a à ce jour donné aucun signe de concessions, selon l'ONG Oxfam.
Enfin, le mécanisme de sauvegarde spécial, destiné à protéger les paysans des pays en développement d'une augmentation abrupte des flux d'importation. Des progrès ont été enregistrés sur le sujet à l'origine de l'échec de la réunion de juillet, sur une opposition Inde/Etats-Unis. Mais apparemment pas suffisamment.
"Sans avancée sur ces trois sujets, nous ne serons pas en mesure de fixer les modalités (les données chiffrées, ndlr) sur l'ensemble des textes", a prévenu le directeur de l'OMC dans une lettre envoyée aux négociateurs, conditionnant la ministérielle à "un sérieux engagement politique".
Les tractations devraient donc aller bon train cette semaine à Genève, laissant toutefois sceptiques nombre d'observateurs.
"La question que l'on peut se poser, c'est comment créer en trois jours les conditions d'un rendez-vous que l'on discute depuis des semaines", remarquait une source diplomatique proche des négociations.
D'autant plus que "les positions se sont plutôt durcies ces derniers jours", a-t-elle insisté. "Il y a peut-être du bluff, c'est ce que Lamy va chercher à savoir".
Mais pour Oxfam, il est clair que les "Etats-Unis n'ont pas de grande marge de manoeuvre", avec une administration sur le départ, la résistance du Congrès et les pressions des lobbies agricoles et industriels.