
La désaffection annoncée lundi par la presse chinoise pour les marques françaises n'était pas sensible dans un des principaux magasins Carrefour de Pékin où employés et clients vaquaient à leurs occupations, souvent ignorants des dissensions sino-françaises.
Certains journaux ont désigné l'enseigne française comme cible potentielle du courroux du peuple chinois, après que le président français Nicolas Sarkozy eut rencontré samedi le dalaï lama, entraînant une "vive protestation" de Pékin.
"La préférence du gouvernement peut déterminer les achats d'Airbus ou de Boeing. Mais elle ne peut pas (...) faire acheter aux consommateurs des marques pour lesquelles ils ont du ressentiment, que ce soit Louis Vuitton ou Carrefour", a ainsi souligné le quotidien de langue anglaise China Daily.
Pour Carrefour resurgit la menace des manifestations antifrançaises telles que celles qui s'étaient déroulées en avril devant un certain nombre d'hypermarchés du groupe en Chine, après le fiasco de l'étape de la flamme olympique dans la capitale française.
Le distributeur a assuré lundi qu'il restait "vigilant".
"Des appels au boycott des produits français ont effectivement été diffusés sur internet et dans la presse en Chine. Comme toutes les entreprises françaises implantées en Chine, nous restons vigilants face à ce mouvement", a indiqué une porte-parole.
Selon l'internet chinois, un mouvement de boycottage lancé dès samedi à Shanghai "a rencontré un fort écho".
Pourtant, au Carrefour de Shuangjingqiao, dans le sud-est de la capitale, le consommateur chinois n'apparaît pas, pour le moment, très mobilisé.
La plupart des clients interrogés disent "ne pas être pas au courant" du différend diplomatique et des appels anti-Carrefour.
"De toutes façons, on ne peut pas ne pas venir. Ici, c'est plutôt bon marché", relève Mme Huang, une jeune maman d'allure modeste qui, rougissante et souriante, refuse de donner son prénom.
Sur la question des prix, une autre jeune femme, Wang Chunhong n'est pas tout à fait d'accord : "C'est ni cher, ni pas cher". Mais Carrefour, c'est pratique, "quand on a beaucoup à acheter".
Wang Chunhong est au courant de la rencontre du chef de l'Etat français et du dirigeant spirituel des Tibétains. Elle sait que le sujet est sensible.
"Mais tout cela c'est une question pour les dirigeants", estime-t-elle en s'éloignant avec ses emplettes.
Effectivement, la question "n'a pas beaucoup de rapport" avec Carrefour, relève Liu Nan, une jeune femme élancée et bien habillée.
Xu Jingjun, une avenante quinquagénaire, elle, n'a de toutes façons pas le choix pour ses courses : "En fait, je travaille pour une dame espagnole. Et ici, au moins, j'ai des factures que je peux lui montrer".
Dans le magasin ou sur le parking, la décontraction reste de mise. Il y a un peu moins foule qu'un jour de week-end, "mais c'est normal pour un lundi matin", indique Wang Dong, un agent de sécurité. "Vous auriez dû venir voir le monde hier" dimanche, ajoute-t-il.
Carrefour compte aussi sur sa très bonne implantation locale dans ce pays où il est présent depuis plus de dix ans.
"Nous sommes un magasin urbain, de proximité, dans une cité-dortoir proche du district des affaires de Pékin. Les clients qui travaillent 60 heures par semaine ne vont pas partir à des kilomètres faire leurs courses", relève Raphaël Rizzon responsable des importations du magasin.
En outre, si l'origine France est peut-être un désavantage politique, elle reste un plus en terme de qualité et confiance. Echaudés par les scandales alimentaires récurrents, de plus en plus de Chinois se tournent en effet vers les importations, assez rares dans les supermarchés chinois.