Le premier réacteur français de troisième génération construit par EDF à Flamanville devrait être plus coûteux que prévu, un nouveau coup dur pour ce projet phare de la filière nucléaire hexagonale qui rencontre déjà des difficultés sur un chantier similaire en Finlande.
La facture de l'EPR de Flamanville (Manche) devrait atteindre 4 milliards d'euros contre 3,3 milliards prévus en 2005, soit un surcoût de plus de 20%, ont indiqué mercredi à l'AFP des sources proches du dossier, confirmant des informations de presse.
Un surcoût dû pour près de moitié à l'inflation, notamment à la hausse des matières premières utilisées, d'après la même source.
S'y ajoutent des "ajustements de coûts techniques et réglementaires" et des "provisions pour aléas", notamment le retard pris dans le creusement du tunnel d'évacuation des eaux de refroidissement du réacteur.
Le réseau associatif Sortir du nucléaire a immédiatement accusé EDF d'avoir "menti" pour remporter le chantier. Au vu du surcoût, "la décision de construire l'EPR peut encore être annulée", a-t-il fait valoir.
L'EPR est destiné à prendre le relais de certains des 58 réacteurs français mis en service pour l'essentiel dans les années 1980.
EDF, qui n'était pas joignable dans l'immédiat, devrait communiquer officiellement jeudi lors d'une réunion avec des investisseurs à Londres.
Le groupe avait déjà indiqué début novembre qu'il aborderait d'ici la fin 2008 la question des "surcoûts du nucléaire".
De fait, le chantier de Flamanville connaît depuis plusieurs mois une série de déboires: outre le retard pris dans le creusement du tunnel, EDF a vu ses travaux suspendus pendant trois semaines par l'Autorité de sûreté nucléaire, qui avait repéré des anomalies au niveau de certaines armatures de fer et des "fissures" dans le béton.
EDf pourrait toutefois tirer argument de ce surcoût pour éviter une baisse de ses tarifs, voire demander à l'Etat une hausse, relève une autre source proche du dossier, alors que le reflux actuel du prix des matières premières plaide plutôt pour l'inverse.
L'électricien pourrait ainsi "sensibiliser l'Etat" au poids des investissements nécessaires pour le nucléaire, avance également Patrice Lambert de Diesbach, de la maison de courtage CM-CIC Securities.
Reste que le chantier présente "incontestablement des problèmes de dérives de coûts", note-t-il.
Le prix de l'autre EPR actuellement en chantier dans le monde, celui d'Olkiluoto en Finlande, construit par le groupe français Areva qui se dispute le marché avec EDF, pourrait lui aussi s'envoler: il atteindrait 4,5 milliards, au lieu des 3 milliards initialement prévus, affirmait récemment Les Echos.
Problèmes de qualité du béton et des conduits de refroidissement, multiplication des documents à fournir aux contrôleurs: les difficultés sont telles que sa mise en service, prévue intialement pour mi-2009, n'interviendra pas avant 2012.
Dans ce contexte, le démarrage du réacteur de Flamanville, fixé à 2012, est l'objet de rumeurs récurrentes: Le Canard Enchaîné évoquait fin août "au moins neuf mois de retard", et Les Echos, en octobre, "plus d'un an".
Chez Areva, on répète régulièrement que la construction des premiers réacteurs EPR s'accompagnent nécessairement, comme tout projet de cette envergure, de nombre d'aléas.
Le chef du chantier d'Olkiluoto, Jouni Silvennoinen, le comparait récemment à l'Airbus A380: "on sait qu'il vole, mais il est difficile à construire".