Le groupe pétrolier russe Loukoîl s'apprête à devenir le premier actionnaire de de la major espagnole Respol. La rumeur, qui circulait depuis quelques jours, a été confirmée ce matin par La Caixa. La caisse d'épargne a déclaré être en négociation avec Loukoîl pour lui céder sa part de près de 14% dans Repsol. La Caixa exige que le groupe russe rachète en même temps la part de 20,01% détenue par le premier actionnaire, le groupe de BTP Sacyr. L'opération soulève des réactions contrastés. Certains redoutent l'emprise du pouvoir russe, d'autres soulignent le caractère privé de Loukoîl.
Jeudi, interrogé sur la question, le premier ministre espagnol José Luis Rodriguez Zapatero ne s'est pas opposé à l'offensive de Loukoîl. "Le gouvernement doit être respectueux des intérêts de la compagnie et des possibles négociations sur l'intégration d'autres partenaires", a déclaré Zapatero lors d'une conférence de presse, tout en soulignant que Madrid jugeait "bon" que Repsol reste espagnol.
Selon un trader madrilène cité par Reuters, le prix de 30 euros évoqué par certains articles de presse est excessif. Sacyr aurait payé sa participation 26,7 euros par action en 2006. A 30 euros par action, 30% de Repsol vaudraient 11,25 milliards d'euros. Certains analystes se demandent donc si Loukoîl pourra lever l'argent nécessaire au financement de l'opération.
L'enjeu est stratégique pour l'Espagne. Respol est en effet le premier groupe pétrolier du pays. Il est très implanté en Amérique latine, mais aussi en Afrique du nord. En outre, il est le premier actionnaire de Gas Natural, le premier groupe gazier du pays, qui est lui même en train d'acquérir un autre groupe énergétique, l'électricien Union Fenosa. Selon le quotidien "Cinco Dias" cité par l'AFP, Repsol serait prêt à céder son contrôle sur Gas Natural en cas d'entrée de Loukoîl dans son capital.
L'ambition du groupe russe inquiète néanmoins l'opinion publique espagnole. Dans un éditorial, le principal journal du pays, "El Mundo", estime qu'il faut à tout prix empêcher le russe d'acheter un tiers de Repsol.
"Loukoîl est tout autant que Gazprom une entreprise contrôlée par le gouvernement russe, lequel mise beaucoup sur le développement d'un secteur énergétique en déployant ses tentacules dans l'UE. S'il réussissait cette action, nous nous retrouverions dans une situation problématique où des décisions cruciales concernant le marché de l'énergie espagnol seraient prises au Kremlin", explique le journal qui demande au gouvernement de prendre ses responsabilités.
"Repsol pourrait miser aussi sur le soutien de l'UE qui ne peut pas non plus accepter une telle opération si dommageable pour les intérêts européens", a-t-il ajouté.
A la Bourse de Madrid, les cotations de Repsol et de Criteria, la holding des participations industrielles de La Caixa, ont été un temps suspendues. A 14h45, ces valeurs progressaient respectivement de 4,63% à 14,23 euros et de 9,87% à 2,56 euros. De son côté, Sacyr affichait une hausse de 9,65% à 8,07 euros.
(P-J.L)
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L'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), construit en 2005, relie la mer Caspienne à la Méditerranée. Il traverse le territoire géorgien, par lequel un tiers du pétrole de la mer Caspienne transite. Cet oléoduc permet aux pays de l'Union Européenne (UE) de réduire leur dépendance énergétique par rapport à la Russie. En effet, jusqu'à la construction du BTC, la plus grande partie du pétrole d'Asie centrale à destination de l'Europe transitait par ce pays. La Russie continue néanmoins de représenter un des principaux fournisseurs de l'UE (le quart de ses besoins en gaz et pétrole). Le récent conflit armé entre la Russie et la Géorgie, a mis en lumière l'instabilité politique de la Géorgie et ses dangers pour la sécurité énergétique de l'UE. Durant le conflit, les attaques de la Russie sont passées près de l'oléoduc BTC, soulignant la volonté des autorités russes de reprendre en main le contrôle de l'approvisionnement en gaz et pétrole en Europe.