Bruxelles a levé mercredi les derniers obstacles à la reprise de la compagnie aérienne exsangue Alitalia par une alliance de patrons italiens, qui n'auront pas à rembourser une aide d'Etat jugée illégale de 300 millions d'euros.
Le commissaire européen aux Transports, l'Italien Antonio Tajani, a donné mercredi son feu vert à Rome pour mettre en vente "les actifs" de la compagnie en cessation de paiement. A condition que les transactions se fassent bien au prix du marché, ce qui sera contrôlé par un observateur indépendant.
La proposition de reprise partielle d'Alitalia, déposée le 31 octobre par la Compagnie aérienne italienne (Cai), alliance de grands patrons italiens, peut donc aller de l'avant.
Ces repreneurs avaient toutefois "conditionné" leur offre au non-remboursement d'un prêt de 300 millions d'euros, consenti par le gouvernement italien à la compagnie en avril dernier. La Commission est allée dans leur sens.
Après cinq mois d'enquête, elle a conclu sans surprise mercredi que ce prêt constituait bien "une aide illégale" incompatible avec les règles de marché de l'UE. Un investisseur privé n'aurait jamais accordé un tel prêt dans ces circonstances, ont statué les experts.
"L'Italie devra faire le maximum pour se faire rembourser l'aide accordée de manière illégitime", a souligné le commissaire.
"Nous sommes convaincus que la compagnie Alitalia n'a pas les moyens aujourd'hui de rembourser le prêt, nous avons par conséquent insisté pour que des actifs soient vendus au prix du marché", a précisé M. Tajani.
Le remboursement incombera à l'ancienne société Alitalia mise en liquidation, et non aux repreneurs partiels de la compagnie en déroute, a-t-il clarifié.
Il y a en effet "discontinuité" entre Alitalia et la Cai, selon lui. "C'est une nouvelle compagnie qui nait, aux mains du privé à 100%", a-t-il justifié.
La Cai reprendra 69% de la capacité de l'actuelle Alitalia en matière de transport de passagers et développera son propre plan industriel.
Malgré la crise financière, "on continue à assister à la naissance de compagnies totalement privées", s'est réjoui le commissaire aux Transports. Preuve de l'intérêt porté au secteur, Alitalia a fait l'objet de quelque 60 offres, dont 36 ont été confirmées.
Le processus va certes aboutir à l'émergence d'une compagnie "plus petite" qu'Alitalia, mais qui "libérera de la place pour d'autres acteurs sur le marché", a insisté M. Tajani.
Le gouvernement italien devra proposer dans les prochains jours à la Commission une liste de trois experts indépendants. Bruxelles y sélectionnera le responsable chargé de veiller à ce que la vente des actifs se fasse au prix du marché.
Dans le cas contraire, "cela voudra dire qu'il y a infraction du droit communautaire et nous serons obligés d'ouvrir une enquête", a prévenu M. Tajani. Une formule analogue avait été choisie en septembre pour la compagnie grecque Olympic Airlines.
La semaine dernière, la Cai avait précisé être prête à mettre sur la table 375 millions d'euros pour racheter les actifs d'Alitalia, en particulier 64 avions détenus par la compagnie et les contrats de location de 29 autres. En outre, elle va reprendre 625 millions d'euros de dettes, ce qui aboutit à un total d'un milliard d'euros.
Le plan de reprise de la Cai prévoit 3.250 suppressions de postes et une fusion avec Air One, la deuxième compagnie italienne.
Le feuilleton mouvementé de la reprise par la Cai n'est peut-être pas terminé: le feu vert de Bruxelles intervient au troisième jour d'un mouvement de grève spontané d'une partie du personnel d'Alitalia, opposé au contrat de travail proposé par les repreneurs.