Les entreprises américaines annoncent les unes après les autres des charrettes de licenciements, dans le cadre de restructurations lancées pour leur permettre de résister à un tsunami économique dont l'intensité s'accroît chaque jour.
De la finance à l'automobile en passant par l'informatique, la pharmacie et la presse, aucun secteur ne semble échapper à la vague de restructurations.
Le cabinet de reclassement Challenger, Gray et Christmas estime que le seuil du million de suppressions d'emploi devrait être dépassé en 2008, alors que les Etats-Unis étaient repassés sous ce seuil en 2006 et 2007.
Le secteur financier a bien sûr ouvert la voie dès septembre, avec des faillites en cascade qui laissent sur le carreau des dizaines de milliers de traders et de cols blancs. American Express a encore annoncé jeudi la suppression de 7.000 emplois, soit 10% de ses effectifs dans le monde.
Les trois constructeurs automobiles de Detroit, en restructuration non stop depuis trois ans, poursuivent sans surprise leurs programmes de suppressions d'emploi: Chrysler vient d'annoncer 5.000 disparitions de poste dans son personnel administratif; General Motors a prévenu qu'il faudrait passer aux licenciements secs vu la gravité de la situation.
Conséquence directe du marasme des constructeurs, les équipementiers sont touchés à leur tour: 1.100 licenciements annoncés chez Teneco, 1.250 chez ArvinMeritor.
Le fabricant de machines à laver Whirlpool va porter à 5.000 le nombre de suppression d'emplois prévues d'ici la fin de l'année prochaine.
Dans la haute technologie, les résultats annoncés jusqu'à présent ne sont pas si mauvais, mais échaudées par l'éclatement de la bulle internet en 2000, les équipes dirigeantes semblent vouloir anticiper là une récession inexorable.
Hewlett Packard a annoncé en septembre 24.600 licenciements dans le monde, dont la moitié aux Etats-Unis. Yahoo va se passer de 10% de ses effectifs, soit quelque 1.300 salariés. L'opération de télécommunications Qwest va licencier 1.200 salariés, soit 3% de son personnel.
Chez les médias, déjà très touchés, c'est l'hécatombe: le plus gros groupe de presse américain, Gannett, va licencier 10% de sa rédaction, et le magazine Time s'aprête à annoncer un douloureux plan de restructuration.
Ces licenciements annoncés ces dernières semaines seront étalés sur plusieurs mois, mais ils noircissent encore un tableau de l'emploi sinistré.
Le taux de chômage, à 6,1% en août et en septembre, est déjà au plus haut depuis cinq ans. Le nombre de nouvelles inscriptions au chômage enregistrées entre la fin septembre et la fin octobre dépasse de 44% le chiffre de l'an dernier à la même période.
Avec la confirmation que l'activité économique s'était contractée durant l'été, les prévisions d'une augmentation "importante" du nombre de licenciements et du chômage avancées par l'ancien président de la Réserve fédéral Alan Greenspan font désormais consensus.
Seule petite consolation, pointée du doigt par James Pedderson, chez Challenger, Gray & Christmas, "les niveaux d'embauche (enregistrés ces dernières années) n'ont pas été aussi élevés que durant la dernière période d'expansion" de la fin des années 1990.
Résultat, "je ne pense pas que nous allons atteindre des niveaux super élevés de réductions d'emploi".
John Challenger, le patron du cabinet qui porte son nom, a mis en garde contre des vagues de licenciements qui pourraient se montrer contre-productives: "il y a pas mal de chaos" après le départ d'employés non remplacés dans les entreprises, a-t-il noté.
Sans compter qu'au niveau macro-économique, "les licenciements réduisent le pouvoir d'achat" des consommateurs, désormais moins aptes à alimenter la machine économique.