La Banque centrale européenne (BCE) va baisser très rapidement ses taux, peut-être dès la semaine prochaine, a déclaré lundi son président, au moment où les craintes d'une sévère récession prennent substance en Allemagne, première économie de la zone euro.
Etant donné l'allègement des tensions inflationnistes, "je considère possible" que la BCE baisse ses taux directeurs au cours de sa prochaine réunion du 6 novembre, a déclaré Jean-Claude Trichet lors d'une conférence à Madrid.
Le principal taux directeur de la BCE est à 3,75% depuis le 8 octobre dernier, date à laquelle elle l'avait abaissé d'un demi point dans le cadre d'une action concertée surprise avec six autres grandes banques centrales, dont la Réserve fédérale américaine.
Dans le jargon BCE, cette déclaration est sans équivoque. C'est "un signal clair" en direction d'une réduction des conditions du crédit, réagit Michael Schubert, l'expert BCE de la Commerzbank.
La semaine dernière, Jose Manuel Gonzales-Paramo, membre du directoire, avait déjà indiqué que la BCE était "en position" de réduire ses taux d'intérêt sans compromettre la stabilité des prix.
M. Trichet a certes souligné que la baisse des taux n'était pas certaine, une précaution d'usage. Mais les marchés l'anticipent déjà, et les économistes sont presque tous persuadés qu'elle aura lieu à cette date. Ne manquait plus qu'il conforte leurs attentes: c'est chose faite.
Et ce à un moment où les mauvaises nouvelles continuent d'affluer pour l'économie des pays de la zone euro. L'Allemagne était lundi sur le grill: le baromètre de confiance des industriels Ifo, jugé très fiable, a reculé à 90,2 points, son plus bas niveau depuis cinq ans.
"Les entreprises allemandes se préparent à un recul de leur activité", en a conclu le président de l'institut, Hans-Werner Sinn.
Les analystes étaient plus directs. "L'Allemagne va au devant d'une sérieuse récession", a estimé Holger Schmieding, chef économiste Europe de la Bank of America. "Avec le rapide déclin de la confiance des industriels, l'économie semble en voie de se contracter considérablement fin 2008 et début 2009", a-t-il dit.
Les exportations, traditionnel moteur de la croissance, souffrent du retournement de la conjoncture dans les marchés clés, Etats-Unis, Grande-Bretagne, mais aussi pays d'Europe de l'est. Crise oblige, le crédit est plus difficile d'accès, et les entreprises commencent à geler leurs investissements et leurs embauches. La consommation reste molle, les ménages étant davantage préoccupés de trouver un havre pour leurs économies que de dépenser.
"La récession va être plus douloureuse que supposé jusqu'à présent", prévient Andreas Scheuerle, économiste à la Dekabank, qui s'attend désormais à une contraction du Produit intérieur brut l'an prochain. Le gouvernement mise encore sur une hausse de 0,2%.
La publication ce jeudi par Eurostat, l'Office européen des statistiques, de son baromètre de confiance devrait confirmer les tendances récessionnistes pour l'ensemble de la zone euro, estimaient la grande majorité des économistes. De quoi pousser la BCE à réduire fortement son taux directeur, peut-être même à deux reprises, avant la fin de l'année.
Et ce d'autant plus que les risques inflationnistes se résorbent, à la faveur de la chute des prix des matières premières et de la dégradation en cours de l'activité économique. Le nouveau ralentissement en septembre annoncé lundi de M3, indicateur d'inflation à moyen terme suivi de près par la BCE, en est une nouvelle preuve.